Résumé Les troubles musculosquelettiques (TMS) et particulièrement ceux au bas du dos affectent de nombreux travailleuses et travailleurs chaque année au Québec (Vézina et al., 2011). Le chargement mécanique au bas dos est reconnu comme un facteur de risque pouvant mener au développement de maux de dos, et la manutention de charges peut occasionner des chargements importants et répétés. La façon habituelle de quantifier le chargement au dos des individus est d’estimer le moment qui s’exerce à l’articulation lombo-sacrée (L5/S1). L’estimation de ce moment se fait généralement en laboratoire et nécessite la connaissance de la position et de l’orientation de chacun des segments de la personne ainsi que la charge externe qui s’exerce sur elle, soit aux mains ou aux pieds. Cette approche, de type laboratoire, nécessite beaucoup d’instrumentation et peut difficilement s’appliquer en milieu de travail. Cette étude s’inscrit dans la continuité des travaux de recherche de l’IRSST sur la manutention visant, entre autres, la quantification du chargement mécanique au bas du dos en milieu de travail. L’objectif poursuivi est de développer et valider une approche permettant d’estimer le moment en L5/S1 à partir des mesures d’un nombre restreint de capteurs sur la personne manutentionnaire afin de limiter l’encombrement de celle-ci. Grâce à des techniques d’apprentissage machine (réseau de neurones artificiels), les données de Delisle et al. (2016), de Plamondon et al. (2012) et de Plamondon et al. (2010) menés en laboratoire ont servi à élaborer une approche capable d’estimer le moment en L5/S1, en ne nécessitant que la mesure des mouvements du tronc et du bassin et de l’activité musculaire des extenseurs du dos. Deux types de réseaux de neurones ont été comparés afin d’identifier le plus performant. Un réseau de neurones récurrents à mémoire court terme et long terme a été retenu, non seulement en raison d’une performance supérieure, mais aussi en raison de sa rapidité d’exécution. Un algorithme permettant d’automatiser le contrôle de qualité des signaux représentant l’activité musculaire a également été développé afin de faciliter l’utilisation future de l’approche. Les résultats révèlent que l’approche permet d’expliquer 80 % de la variance du moment en L5/S1, en comparaison avec un modèle de référence de type laboratoire, avec une erreur quadratique moyenne de l’ordre de 21 N m. Il s’agit d’une performance très acceptable pour une approche de ce type, Cette approche peut être utilisée tant auprès de femmes que d’hommes manutentionnaires lors des manutentions des boîtes de zéro à 23 kg sur une distance de moins de 1,5 mètre, manipulées à des hauteurs variées entre le sol et les épaules, sans restreindre les déplacements de pieds.