Résumé Les gants de polymère sont utilisés comme équipements de protection individuels dans de nombreux secteurs d’activité professionnelle où les risques chimiques sont présents. Leur efficacité à bloquer le passage de certains contaminants doit être mesurée par des méthodes d’essais précises et standardisées. Les mesures de résistance chimique sont généralement effectuées en utilisant une cellule de perméation, un petit appareil contenant deux réservoirs séparés par la membrane dont on veut mesurer le potentiel-barrière : l’un contient le contaminant, l’autre contient un milieu collectant le contaminant après que celui-ci ait passé à travers la membrane. Au fur et à mesure de l’expérience, le milieu collecteur est échantillonné pour en mesurer la teneur en contaminants. Le temps de résistance de la membrane au passage des contaminants, ainsi que leur vitesse de passage à travers celle-ci, sont ainsi évalués. En Amérique du Nord, les tests de perméation des contaminants à travers les gants de polymère sont encadrés par des normes (exemple : ASTM-F739). Cette méthode est bien éprouvée pour la mesure du passage de molécules de solvants à travers les gants. Or, lorsque l’on veut mesurer le passage de molécules moins volatiles, ou à faible concentration, car potentiellement très toxiques (ex. pesticides ou agents de chimiothérapie), ou encore des nanoparticules (NP), les limites de détection des techniques analytiques actuelles sont généralement insuffisantes. Elles ne permettent pas de mesurer en temps réel la cinétique de passage des contaminants à travers les gants ; il est donc impossible de tirer à partir des courbes de perméation certaines données cruciales tels le coefficient de diffusion, le temps de passage (ou temps de latence avant perméation), le taux de perméation et l’afflux des contaminants dans la membrane. Afin de mesurer précisément et de façon quantitative les paramètres cinétiques décrivant le passage de contaminants à travers les gants, il est nécessaire de développer une cellule de perméation utilisant un mode de détection ayant un degré de sensibilité très élevé et permettant des mesures en continu. Dans ce projet de recherche, une nouvelle technologie a été développée sous la forme d’une cellule de perméation adaptée à l’imagerie nucléaire par tomographie par émission de positons (TEP). La TEP permet de détecter des molécules et des nanoparticules à un degré de sensibilité largement supérieur aux méthodes spectroscopiques et spectrométriques habituellement employées pour la détection des processus de perméation. Le dispositif a été élaboré à partir de polymère dont la nature et les dimensions n’atténuent pas les rayonnements émis par les radioisotopes utilisés pour marquer les molécules et les nanoparticules. La nouvelle technologie de cellule de perméation sous TEP a été testée sur des échantillons de gants de latex et de nitrile parmi les plus couramment utilisés dans les laboratoires biomédicaux et les cliniques de médecine nucléaire situées dans les centres hospitaliers. Comme contaminant type, des nanoparticules d’or (AuNP) ont été employées, car ce type de produit, de plus en plus utilisé en médecine, est particulièrement difficile à détecter par les techniques de mesure usuelles dans les tests de perméation. Les données acquises lors de ces études ont permis de révéler des profils de perméation de nanoparticules à une très haute résolution temporelle, avec une sensibilité de détection permettant de calculer tous les paramètres principaux décrivant la perméation des contaminants à travers les membranes (coefficient de diffusion, temps de latence, taux de perméation, etc). Les temps de latence au début de la perméation, mesurés dans le compartiment donneur, étaient tous supérieurs à 3 heures, ce qui est largement au-dessus de la durée maximale usuelle pour le port d’une même paire de gants de polymère. Ces résultats confirment qu’une fraction infime de NP passe à travers les membranes de nitrile et de latex pendant la période d’usage des gants de polymère utilisés comme EPI (moins de 2 h) et offrent une excellente protection cutanée contre les nanoparticules ultra-petites utilisées dans le domaine biomédical et, notamment, celles à base d’or. Cette technologie sera aussi utile dans le cas de contaminants habituellement très difficiles à détecter par les techniques de mesure déjà connues (ex. : pesticides et agents de chimiothérapie, virus).