Résumé L’économie du Canada, comme celle de bien d’autres pays industrialisés, bénéficie du développement des nanotechnologies dont le fort potentiel peut être exploité dans plusieurs secteurs industriels. Un nombre croissant d’entreprises québécoises de production de nanoparticules (NP) est d’ailleurs déjà implanté et tout porte à croire que d’autres emboîteront le pas dans les années à venir. Ce faisant, non seulement le nombre de travailleurs œuvrant dans la fabrication et la synthèse des NP augmentera sensiblement, mais également le nombre de ceux qui seront appelés à en manipuler et à en transformer dans les domaines des nanotechnologies en général. Une des conséquences de cette situation est l’augmentation du nombre de personnes potentiellement exposées aux NP. Dans la littérature scientifique, de nombreux travaux rapportent des effets inflammatoires causés par l’inhalation de NP; le système respiratoire étant l’une des voies d’exposition aux NP les plus probables. En effet, il a été démontré, par exemple, que des NP comme les oxydes de zinc (ZnO) et de cuivre induisent un recrutement de cellules immunitaires de types éosinophiles (ÉO) dans les poumons des rongeurs. Ces cellules sont bien connues pour causer divers désordres et maladies pulmonaires comme l’asthme. Malgré ce fait, aucune donnée relative aux interactions entre les NP et les ÉO humains n’était disponible avant la réalisation du présent projet. De ce fait, le mode d’action des NP sur la biologie des ÉO était inconnu. En plus des voies respiratoires, les personnes peuvent être exposées par contact cutané et même par ingestion; les NP pouvant ainsi se frayer un chemin par la circulation sanguine ou à travers les divers tissus. Devant ces faits, l’hypothèse voulant que les NP puissent altérer la biologie des ÉO humains a été émise et le comblement de cette lacune a été retenu comme principal objectif du présent projet. Pour élargir le champ des connaissances et mieux comprendre le mode d’action des NP, des ÉO de donneurs sains et consentants ont été fraîchement isolés puis exposés à une NP donnée afin d’évaluer les capacités modulatoires de plusieurs fonctions, toutes reliées au processus inflammatoire. Parmi ces fonctions, la capacité des NP à affecter la production de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS), le chimiotactisme, l’adhérence, l’apoptose et la production de certaines cytokines par les ÉO. En utilisant une approche expérimentale, il a été possible de dresser un tableau démontrant les effets différentiels des NP sur la biologie des ÉO humains. Ainsi, par exemple, les NP de dioxyde de cérium (CeO2) sont celles qui induisent le plus fortement la production de ROS alors qu’elles ne modulent pas l’apoptose. Ajoutons que les NP de dioxyde de titane (TiO2) sont celles qui augmentent le plus la capacité des ÉO à adhérer à un substrat cellulaire alors qu’elles n’ont pas ou peu d’effets sur la production de ROS et sur l’apoptose. L’ensemble des résultats démontre clairement qu’il est difficile de classifier les NP strictement selon leur potentiel à modifier l’une ou l’autre des fonctions étudiées. Il est préférable de présenter un tableau plus nuancé dans lequel les effets provoqués par une NP donnée sur la biologie des ÉO humains in vitro doivent être pris en considération pour en éclaircir le mode d’action. Les effets des NP sont donc extrêmement variés et la présente étude vise à démontrer qu’elles n’agissent pas toutes de la même façon. Les retombées de ce projet effectué avec des cellules isolées d’individus sains sont multiples. Les résultats permettront, par la suite, de justifier l’utilisation de cellules de travailleurs potentiellement exposés aux NP, incluant les chercheurs, les étudiants et le personnel technique, afin d’étudier les fonctions des ÉO qui pourraient avoir des réponses fonctionnelles disproportionnées ou, à l’inverse, très faibles. Les résultats et les observations de cette étude, combinés à ceux qui seront décrits par d’autres équipes étudiant différentes facettes de la toxicité des NP, permettront d’aider à la prise de certaines décisions sur le plan de la gestion des risques liés à une exposition des travailleurs aux nanoparticules.