IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Estimation du chargement au dos - Développement d’une méthode ambulatoire intégrant la cinématique du dos et de l’électromyographie

Résumé

De nombreux travailleurs sont atteints de maux de dos chaque année. La région lombaire est de loin celle qui est la plus fréquemment atteinte, et ce type de troubles musculosquelettiques est principalement occasionné par des efforts excessifs, surtout en soulevant quelque chose, et les chargements aux tissus de la colonne qu’ils engendrent. Il n’existe pas de méthode de mesure directe de ces chargements qui puisse être utilisée en milieu de travail, d’où la nécessité de recourir à des modèles biomécaniques pour les estimer. Or, jusqu’à présent, les modèles biomécaniques existants ne permettent pas l’estimation des chargements de manière satisfaisante. 

Ce projet s’inscrit en continuité des nombreux travaux subventionnés par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) visant l’élaboration d’une méthode ambulatoire pouvant estimer les chargements au bas du dos en continu, soit le moment à l’articulation lombo-sacrée (L5/S1). L’approche préconisée vise l’intégration de la mesure de l’électromyographie (EMG) d’un nombre minimal de muscles à la surface du dos et de la cinématique du dos provenant de deux senseurs inertiels pour estimer le chargement au bas du dos. Cette idée n’est pas nouvelle en soi, mais la manière d’y arriver l’est. En effet, l’utilisation d’un calibrage dynamique pour établir la relation EMG et cinématique au moment en L5/S1 est novatrice.

Le projet comportait trois grandes étapes. La première étape consistait à apprécier la faisabilité de l’approche préconisée en comparant les estimations obtenues par la nouvelle approche à celles déterminées par un modèle tridimensionnel validé et habituellement utilisé en laboratoire. Dans une seconde étape, l’élaboration et la validation de la méthode de calibrage du modèle ambulatoire ont été réalisées, et finalement dans une dernière étape, le modèle ambulatoire a été validé dans une situation de manutention de charges se rapprochant d’une application en milieu de travail.

Les résultats de la première étape de l’étude révèlent que des estimations très acceptables du moment en L5/S1 (marge d’erreur de l’ordre de 10 %) pour des tâches de manutention asymétriques peuvent être obtenues à partir d’un nombre limité de variables cinématiques du tronc et de signaux EMG d’un nombre limité de muscles (maximum de six muscles), soit par une approche de régression linéaire multiple ou par un réseau de neurones artificiels. L’approche préconisée démontre donc un bon potentiel.

La deuxième étape visait le développement de la méthodologie pour permettre le calibrage de la relation EMG-cinématique - moment en milieu de travail. Il fallait élaborer et valider un modèle simplifié capable d’estimer les moments en L5/S1. Ce modèle simplifié comporte seulement cinq segments : un segment tronc (incluant le cou et la tête), deux bras et deux avant-bras, nécessitant six senseurs inertiels pour mesurer les orientations de ces segments. Il requiert également l’utilisation d’une caisse instrumentée munie de poignées pour mesurer les forces aux mains, ainsi qu’un senseur inertiel pour apprécier son orientation. Les résultats présentés démontrent que le modèle développé peut estimer les moments en L5/S1 avec un risque d’erreur inférieur à 10 %, ce qui est très satisfaisant pour l’utilisation envisagée. Il est donc envisageable d’utiliser ce modèle pour permettre le calibrage de la relation EMG-cinématique – moment en milieu de travail. 

La troisième et dernière étape avait pour objectif de valider le modèle ambulatoire, en exploitant le modèle développé à l’étape précédente pour réaliser le calibrage et le réseau de neurones artificiels conçu à la première étape. Des conditions se rapprochant du contexte réel d’utilisation sur une durée de manutention suffisamment longue pour engendrer une fatigue musculaire ont été simulées pour valider le modèle. La validation de l’approche ambulatoire pour estimer les moments en L5/S1 en ne mesurant que la cinématique du tronc avec deux senseurs inertiels et l’électromyographie de six muscles a démontré des résultats mitigés, n’expliquant en moyenne que 50 % de la variance des moments en L5/S1 évalués par un modèle critère. Le fait que les résultats de certains sujets atteignent des performances permettant d’expliquer 70 % de la variance est toutefois très prometteur. Des modifications du réseau de neurones pourraient être explorées afin d’améliorer la robustesse des prédictions entre les individus. D’autres travaux méritent d’être poursuivis pour mieux cerner les conditions optimales d’utilisation de cette approche novatrice.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Alain Delisle
  • André Plamondon
  • Denis Gagnon
  • Christian Larivière
  • François Thénault
  • François Michaud
  • Jean Rouat
Projet de recherche : 0099-6500
Mis en ligne le : 08 mars 2016
Format : Texte