Résumé Lorsque l’élimination à la source ne peut être envisagée, la protection individuelle demeure la solution la plus utilisée pour protéger les travailleurs exposés à des niveaux de bruit importants en raison de sa facilité et de sa rapidité d’implantation, ainsi que de son faible coût économique. Le port des protecteurs auditifs est néanmoins associé à plusieurs problématiques : (i) ils peuvent être un cofacteur de risque pour les accidents du travail, (ii) leur performance réelle est souvent très différente de celle affichée en laboratoire ce qui peut induire une sous-protection du travailleur, (iii) les méthodes normalisées de déplacement du seuil d’audition (real-ear attenuation at threshold - REAT) et de la perte par insertion (insertion loss - IL) pour évaluer une performance individuelle des protecteurs sont difficiles à mettre en œuvre en milieu de travail, (iv) la technique de mesure avec microphone placé dans une oreille réelle (field microphone-in-real-ear - F-MIRE), plus appropriée à une implantation sur le site, ne permet pas encore d’obtenir une performance individuelle, (v) la durée de port recommandée pour limiter l’exposition au bruit n’est souvent pas respectée à cause de problèmes d’inconfort. Par ailleurs, les protecteurs sont souvent conçus de façon empirique ou à partir de modèles très simplifiés laissant souvent de côté la notion de confort. Ce travail constitue la suite logique du projet Étude de la transmission sonore à travers les protecteurs auditifs et application d’une méthode pour évaluer leur efficacité effective en milieu de travail financé par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST). Son objectif principal est de développer des outils et méthodes de mesure pour mieux évaluer et améliorer les performances acoustiques des protecteurs en intégrant certains paramètres qui ont une influence sur le confort (force de serrage des coquilles, effet d’occlusion pour les bouchons d’oreille). Ce projet comportait deux volets : un expérimental et un autre portant sur la modélisation. Dans le cadre du volet expérimental, une comparaison systématique de la méthode subjective, basée sur des mesures REAT avec la méthode objective, basée sur des mesures microphoniques (MIRE) a été effectuée. Cette comparaison a pour but de bien comprendre les avantages et limites de l’approche MIRE, approche mieux adaptée pour la mesure terrain, et de faire ressortir les paramètres clés la liant à l’approche REAT, classiquement utilisée en laboratoire. Une nouvelle méthode de mesure objective de l’effet d’occlusion sur des sujets humains a aussi été développée. Pour sa part, le volet modélisation a fait l’objet de trois thèses de doctorat. Des outils de modélisation pour prédire l’atténuation sonore des coquilles, ainsi que l’atténuation sonore et l’effet d’occlusion des bouchons d’oreille ont été conçus. Deux types de bouchon particuliers, ceux moulés en silicone et ceux en mousse ainsi que deux coquilles, l’EAR1000 et la PELTOR OPTIME 98 ont été considérés dans cette étude. Les outils de modélisation développés ont permis un avancement des connaissances sur le problème de transmission acoustique à travers le système protecteur - conduit auditif en prenant en compte certains facteurs d’inconfort. Ils ont également été exploités pour apporter des améliorations aux protocoles de mesures élaborés dans le cadre du volet expérimental. La conception de ces outils a été accompagnée de la mise en place de bancs d’essai de caractérisation et de validation originaux. Ces nouveaux outils de modélisation peuvent fournir aux manufacturiers de protecteurs auditifs des pistes pour améliorer leurs produits, sans nécessairement avoir recours à du prototypage réel. À long terme, cela améliorera les conditions des travailleurs en minimisant le risque lié à la dégradation de leur appareil auditif. D’une manière similaire, les modèles développés offrent l’opportunité d’améliorer les standards relatifs aux exigences des propriétés des matériaux synthétiques simulant les tissus humains, utilisés par les manufacturiers de têtes artificielles. La possibilité de mesurer l’effet d’occlusion de façon objective sans sujets humains permettrait de classifier les bouchons selon leur effet d’occlusion en s’affranchissant de la variabilité interindividuelle.