Résumé Depuis plusieurs années la population immigrante est en forte croissance au Québec. L’augmentation de ce segment de la population modifie les caractéristiques de la main-d’œuvre, ce qui peut avoir des répercussions sur la santé et la sécurité du travail (SST). Dans ce contexte de diversité de la main-d’œuvre québécoise, il devient nécessaire de connaître les caractéristiques du travail des immigrants pouvant influencer les risques pour la SST. La présente étude vise à dresser un portrait de la main-d’œuvre immigrante en s’appuyant sur des études dont les analyses reposent sur des données statistiques et à répertorier les enquêtes populationnelles pouvant contribuer à documenter les caractéristiques du travail des immigrants et les risques pour leur santé et leur sécurité. Une meilleure connaissance de la littérature et du potentiel qu’offrent les bases de données issues d’enquêtes populationnelles contribuera à orienter l’exploitation des données statistiques pour le Québec afin d’alimenter les recherches et d’identifier les lacunes informationnelles en matière de SST concernant cette population de travailleurs. Les résultats de la revue de la littérature ont été divisés en cinq grandes thématiques : le contexte et les caractéristiques de la population immigrante; les immigrants sur le marché du travail; les conditions de travail et d’emploi des immigrants; la santé et la sécurité du travail des immigrants; les résidents temporaires. L’analyse du contexte de l’immigration et des caractéristiques sociodémographiques de cette population a permis de relever plusieurs différences avec les natifs du Canada. Ils forment, entre autres, une population plus jeune, présentent un rapport de masculinité plus élevé dans le cas des immigrants économiques, comptent une proportion de diplômés universitaires supérieure et affichent un état de santé général plus favorable à leur arrivée. En ce qui concerne la situation des immigrants sur le marché du travail, les études constatent qu’ils ont une plus grande difficulté d’intégration sur le marché du travail que la population née au Canada. En plus de méconnaître le marché du travail canadien, leur expérience de travail, leurs titres de compétence ou leurs diplômes sont rarement reconnus. À ces facteurs pouvant expliquer les difficultés qu’éprouvent les immigrants, s’ajoutent aussi les barrières linguistiques et culturelles. L’analyse des conditions de travail et d’emploi des immigrants a permis de relever que, pour certaines variables (formation, cumul d’emplois, taille d’entreprise, etc.), il existe peu ou pas de différences entre les immigrants et les personnes nées au Canada. Toutefois, les résultats peuvent fluctuer selon les variables considérées (durée de résidence, profession, secteur d’activité, etc.), la méthodologie choisie et la source de données utilisée. Bien que les immigrants soient nombreux sur le marché du travail, peu d’études quantitatives se sont intéressées aux risques spécifiques auxquels ils doivent faire face. Ceci s’explique, entre autres, par le fait que les enquêtes nationales incluent rarement de l’information sur les lésions professionnelles et les conditions de travail et, lorsque c’est le cas, la taille de l’échantillon limite les analyses. La recherche bibliographique a tout de même permis de recenser quelques études sur le sujet. L’une d’elles (Smith et Mustard, 2010) montre que les immigrants sont davantage exposés aux risques pour la SST comparativement aux canadiens de naissance. Par ailleurs, même en tenant compte dans les analyses du secteur d’activité économique, les relations se confirment. La revue de la littérature portait également sur les immigrants temporaires. Bien que cette population soit difficile à estimer, les études indiquent une augmentation des effectifs depuis 2008. Parmi les études sélectionnées, aucune ne présentait de statistiques sur les immigrants temporaires et la SST. Toutefois, l’étude de Preibisch et Hennebry (2001) souligne que l’augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires, en particulier ceux qui occupent des emplois peu spécialisés, pose certains défis au regard de la santé et la sécurité du travail. L’inventaire des sources de données statistiques issues d’enquêtes populationnelles a permis d’évaluer leur potentiel d’analyse pour la population immigrante et les risques pour la SST. Au total, 12 bases de données ont été analysées au moyen de deux outils, soit la grille « travailleur, emploi et atteintes à la santé » et des fiches descriptives. Dans l’ensemble, les variables qui permettent de caractériser le travailleur sont très présentes dans les enquêtes. Par contre, si les variables liées à l’organisation du travail y figurent, elles portent davantage sur le temps de travail que sur les aspects psychosociaux. L’absence de données probantes sur la formation qu’ils reçoivent ou sur l’information en matière de prévention qu’on leur communique en milieu de travail constitue une limite de ces enquêtes. De plus, on constate d’importantes lacunes informationnelles pour les variables liées aux situations de travail. La littérature et les bases de données permettent de documenter les atteintes à la santé et leurs conséquences, mais la thématique plus pointue des atteintes liées au travail est souvent négligée. Il ressort de la revue de littérature qu’il existe peu d’études statistiques qui ont exploité des données sur la santé et la sécurité des travailleurs immigrants. Par ailleurs, certaines variables clés comme la durée de résidence, la profession ou le secteur d’activité économique peuvent s’avérer utiles pour l’identification des groupes vulnérables. D’autre part, l’inventaire des sources de données statistiques montre clairement qu’aucune d’entre elles ne permet de brosser un portait complet des travailleurs immigrants et de la SST au Québec. Tenant compte des limites des bases de données, l’inventaire a fait ressortir la pertinence de certaines sources qui pourraient permettre de connaître ou de suivre la situation des immigrants sur le marché du travail, en lien avec certains aspects de la SST, ou de comparer celle-ci avec celle des natifs du Canada. Ainsi, le recours à plusieurs sources de données ou encore aux méthodes mixtes (qualitatives, quantitatives) pourrait servir à répondre à certaines questions de recherche sur cette thématique. Certaines recommandations sont d’ailleurs adressées aux organismes responsables de la collecte des données puisqu’ils déterminent le type et la disponibilité des informations concernant les immigrants et la SST.