Résumé Les changements climatiques sont indéniables et leurs impacts sur la santé de la population préoccupent de plus en plus les scientifiques et les décideurs publics. Les spécialistes prévoient des hausses de température au Québec et que les durées et l’intensité des périodes de chaleur accablante et de canicules augmenteront. D’autres paramètres environnementaux seront possiblement modifiés à la suite de l’augmentation de la température extérieure, comme la hausse des concentrations ambiantes de certains polluants atmosphériques tel l’ozone au sol. Ces changements pourraient avoir un impact sur la santé et la sécurité des travailleurs. Dans la littérature, il est rapporté que l’exposition à la chaleur extérieure entraîne de la mortalité, de la morbidité et possiblement une augmentation de l’incidence des lésions professionnelles. Toutefois, les relations statistiques entre la température extérieure et la survenue de maladies ou d’accidents chez les travailleurs n’ont été que très peu documentées et ne l’ont jamais été dans des conditions similaires à celles du Québec. Le même constat s’impose quant à la relation entre l’ozone et les problèmes respiratoires chez les travailleurs, alors que les effets d’une exposition simultanée ozone-chaleur n’ont jamais été étudiés pour cette population. L’objectif général de cette recherche était de documenter ces associations dans un contexte québécois. Pour ce faire, nous avons développé des modèles statistiques a) pour apprécier l’association entre la température extérieure estivale et les lésions professionnelles acceptées par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) pour les problèmes de santé reliés à une exposition excessive à la chaleur (insolations, syncopes, pertes de conscience, etc.), ainsi que pour les accidents du travail; b) pour explorer l’association entre les niveaux journaliers d’ozone troposphérique estivaux et les lésions professionnelles acceptées pour les atteintes respiratoires aiguës. Finalement, nous voulions aussi identifier les sous-populations, les industries et les professions les plus à risque de lésions professionnelles en lien avec la température ou la concentration d’ozone troposphérique. Les modélisations suggèrent que le nombre quotidien de lésions acceptées pour des problèmes de santé liés à la chaleur et pour des accidents de travail augmente de façon log-linéaire avec les températures extérieures en été au Québec. Des hausses de 42 % du nombre journalier de lésions pour les problèmes de santé reliés à la chaleur (nombre journalier moyen = 0,13, de 0 à 10) et de 0,2 % pour les accidents de travail (nombre journalier moyen = 306, de 54 à 641) ont été estimées pour chaque 1 oC supplémentaire de la température maximale journalière, entre -7,8 et 37,3 °C. Ces analyses ont également mis en évidence que la force des associations pouvait varier selon l’âge, le secteur industriel et la catégorie professionnelle (manuelle par rapport aux autres catégories). Ces résultats doivent être interprétés avec précaution, car cette étude comporte plusieurs limites, dont l’utilisation de données d’indemnisation (qui contiennent peu d’information sur les circonstances exactes de la survenue de la blessure ou du problème de santé), de même qu’une mesure peu précise de la température et de l’humidité sur les lieux de travail le jour où s’est produite la lésion, estimée à partir de données régionales. Dans le contexte où l’on prédit pour le Québec une augmentation des températures estivales dans les prochaines années, il importe de mettre en place des mesures préventives qui cibleraient particulièrement les travailleurs les plus sujets aux effets de la chaleur et de poursuivre les efforts de recherche pour l’avancement des connaissances dans ce domaine, en utilisant notamment des indices plus valides de stress thermique. Par ailleurs, la faible puissance statistique des résultats concernant l’association entre les atteintes respiratoires aiguës et les estimations des concentrations d’ozone empêche toute conclusion ferme à cet égard. Les travailleurs extérieurs font néanmoins partie des groupes d’individus les plus exposés à l’ozone au sol et à d’autres polluants de l’air, et conséquemment, il serait souhaitable de poursuivre les réflexions à ce sujet.