Résumé En 2005, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) stipulait que dans moins d’une décennie, la dépression constituerait une des premières causes d’incapacité avec les maladies cardiovasculaires (World Health Organization, 2005). En effet, on constate une augmentation des prestations d’invalidité attribuables aux troubles mentaux, notamment la dépression. Celles-ci sont à l’origine de plus de 40% de toutes les réclamations d’assurance-salaire (MSSS, 2005). Le retour au travail des employés qui ont dû s’absenter en raison d’une dépression est parfois complexe car il implique plusieurs acteurs. À notre connaissance, peu d’études se sont intéressées au point de vue des acteurs syndicaux quant aux facteurs qui facilitent et qui gênent le retour au travail de personnes aux prises avec une dépression, ainsi qu’à leur rôle dans le processus de retour au travail de ces employés. L’objectif de cette étude était de mieux comprendre le rôle des acteurs syndicaux dans le retour au travail de personnes ayant vécu une dépression, ainsi que les facteurs qui facilitent et qui gênent ce retour selon leur point de vue. Les questions principales étaient: dans votre rôle d’acteur syndical, qu’avez-vous fait à l’intérieur du processus de retour au travail d’employés qui ont eu une dépression? Selon vous, qu’est-ce qui aide les personnes ayant vécu une dépression à retourner au travail? Qu’est-ce qui nuit ou rend plus difficile leur retour au travail?Une étude qualitative a été réalisée dans le cadre de laquelle vingt-trois personnes (12 hommes et 11 femmes) rattachées à trois organisations syndicales ont participé à un des trois groupes de discussion. Le groupe de discussion a été choisi comme technique d’entrevue pour permettre non seulement d’avoir accès à l’éventail des points de vue des acteurs syndicaux, mais aussi pour susciter des réflexions en groupe. L’échantillon était composé à parts égales de représentants syndicaux et de pairs aidants, ces derniers ayant par définition un rôle plus direct auprès des employés. La population cible était des acteurs syndicaux qui comptaient un certain nombre d’années d’expérience en milieu syndical et qui avaient été en contact avec des employés ayant vécu une dépression. Les discussions ont été retranscrites verbatim à partir duquel s’est fait une analyse de contenu.Tout d’abord, les résultats font état d’un flou existant dans la définition du rôle des acteurs syndicaux auprès des employés ayant vécu une dépression. Leur implication varierait considérablement d’un cas à l’autre, notamment en fonction du type d’acteurs syndicaux qui compose l’équipe syndicale (représentants syndicaux, pairs aidants), de la relation que l’employé entretient avec le syndicat et ses membres actifs, et de la collaboration entre l’employeur et le syndicat dans l’organisation. Par la suite, les résultats relatifs aux facteurs perçus par les acteurs syndicaux comme facilitant ou gênant le retour au travail des personnes ayant vécu une dépression sont présentés. Les facteurs qui ont émergé sont présentés par groupes d’acteurs, soit l’employeur et l’organisation, les collègues de travail, l’employé ayant vécu une dépression, le syndicat, et les médecins et les services médicaux. Quatre facteurs inter-acteurs récurrents (analyse de convergence) sont ressortis: la culture organisationnelle accordant de l’importance à la santé mentale et à l’aspect humain du travail, le soutien et le suivi tout au long de l’absence et du retour au travail, le manque de ressources, les préjugés et le malaise des acteurs face à la dépression.Les résultats de la présente recherche comblent un vide empirique dans la littérature concernant le retour au travail de personnes ayant vécu une dépression. Les résultats des groupes de discussion menés auprès des acteurs syndicaux présentent le point de vue de ces acteurs clés concernant les facteurs qui facilitent ou gênent le retour au travail, tout en mettant en relief le rôle mal défini, mais central des acteurs syndicaux auprès des employés ayant vécu une dépression. Cette étude rend également compte du rôle d’intermédiaire ou de conciliateur privilégié de ces acteurs entre les différentes parties impliquées dans le processus de retour au travail et de l’importance de la clarification de leur rôle et de leurs pratiques pour faciliter le retour au travail suite à un trouble mental chez un employé, notamment une dépression.