IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Ceinture de sécurité pour chariots élévateurs à contrepoids – Étude préliminaire de critères normatifs et d'utilisabilité (version révisée)

Résumé

Depuis l’entrée en vigueur d’un nouvel article du Règlement québécois sur la santé et la sécurité du travail (RSST), les chariots élévateurs en porte-à-faux à grande levée, à poste de conduite au centre non élevable et à conducteur assis doivent être munis d’un dispositif de retenue empêchant le cariste d’être écrasé par la structure du chariot lors d’un renversement. La ceinture de sécurité pelvienne est un des moyens les plus couramment utilisés actuellement pour satisfaire cette exigence. À partir de la consultation des écrits, de l’examen sommaire de quelques ceintures vendues sur le marché québécois, d’entretiens et d’observations réalisés auprès de douze caristes et sept superviseurs dans sept entreprises, cette étude exploratoire trace le bilan de l’utilisation des ceintures, tant du point de vue des normes de performance des ceintures de sécurité que de celui de leur utilisabilité dans le milieu du travail.

 

Dans les entreprises visitées, l’obligation du port de la ceinture de sécurité a été accueillie plutôt difficilement chez les caristes. Au fil du temps, la plupart des caristes mentionnent cependant que le port de la ceinture est devenu une habitude. Néanmoins, plusieurs caristes trouvent la ceinture inutile ou agaçante, notamment en raison de la vitesse limitée du chariot, de la mobilité corporelle qui se trouve restreinte pour les manœuvres de reculons et surtout, en raison de tâches qui exigent de monter et de descendre fréquemment du chariot. L’observation du travail montre en effet que certains caristes descendent de leur chariot en moyenne toutes les 2,6 minutes. Bien que la durée médiane de bouclage de la ceinture soit de seulement cinq secondes, la durée requise pour le bouclage peut augmenter significativement lorsqu’il y a des problèmes d’enroulement de la sangle avec le rétracteur. D’autres facteurs, tels que des rétracteurs mal fixés, une sangle trop courte, un dispositif de retenue aux hanches qui nuit au bouclage de la ceinture, un emplacement ou un type de fixation de la boucle non optimal, une interférence entre la sangle et le porte-outils porté à la taille, sont susceptibles de compromettre l’acceptabilité de la ceinture, l’aisance dans son utilisation, ou la sécurité des caristes.

 

Sur la base des analyses réalisées dans cette étude, il n’est pas possible actuellement de recommander un rétracteur conciliant à la fois, et dans toute situation, sécurité, confort et compatibilité avec les besoins associés aux tâches à effectuer. Sur le terrain, la ceinture avec rétracteur à blocage automatique (ALR : « automatic locking retractor ») est un modèle fréquemment installé. Ce rétracteur enroule automatiquement le jeu dans la sangle et empêche en tout temps la sortie de la sangle. La possibilité de bouger sur le siège, par exemple pour les manœuvres de reculons, est ainsi restreinte. En présence de vibrations, lorsqu’il y a des mouvements relatifs entre le cariste et les points d’ancrage de la ceinture, le resserrement de la sangle peut devenir particulièrement incommodant. L’utilisation d’un rétracteur d’urgence (ELR : « emergency locking retractor ») est une alternative offerte sur le marché. Ce rétracteur assure une bonne mobilité du cariste puisque, en condition normale d’opération, le jeu dans la sangle est automatiquement repris par une faible force de rappel du rétracteur, sans pour autant que le mécanisme de blocage de la sangle ne s’enclenche. Cependant, du point de vue de la sécurité des caristes, si la ceinture avec rétracteur ELR se limite à respecter la norme référence SAE J386 s’appliquant aux véhicules de travail hors route, le rétracteur pourrait ne pas se bloquer dans plusieurs situations de renversements de chariots élévateurs, car les niveaux d’accélération du chariot et du cariste peuvent être faibles lors de renversements, comparativement aux seuils de blocage indiqués dans les normes. La norme SAE J386 est similaire en plusieurs points à la norme 209 décrivant les exigences par rapport aux ceintures de sécurité utilisées dans les véhicules automobiles au Canada et aux États-Unis. Or, la cinématique des chariots élévateurs au regard des vitesses et des accélérations diffère de celle des automobiles lors de renversements ou de collisions. Des valeurs inférieures pour les seuils de blocage des ceintures pourraient améliorer la performance des rétracteurs ELR, selon la situation de renversement. Pour être respectés, de tels critères exigeraient potentiellement l’utilisation de nouveaux mécanismes de blocage. Une ceinture qui dissocie le seuil de blocage sensible à l’inclinaison du véhicule, du seuil de blocage sensible à l’accélération du véhicule, aiderait grandement à augmenter la performance des rétracteurs ELR, pourvu que le seuil d’inclinaison soit limité entre 12 et 15 degrés.

 

Les ceintures avec rétracteur manuel, nécessitant que le cariste ajuste lui-même la longueur de la sangle, présentent l’avantage de ne pas se resserrer sur l’utilisateur. Un tel rétracteur apparaît aussi comme une bonne solution pour protéger le cariste dans toute situation. Il faut cependant veiller à ce que le jeu laissé dans la ceinture soit relativement faible (moins de cinq cm), ce qui peut restreindre la mobilité du cariste en quête de visibilité vers l’arrière. Ce type de ceinture exige également un réajustement de sangle pour chaque nouveau cariste qui conduit le chariot.

 

Lors du choix d’équipements, bon nombre de responsables en entreprise s’intéressent aux dispositifs permettant de faciliter la gestion du port de la ceinture (p. ex. couleur de la sangle, signal sonore lors du non-bouclage). Cependant, avant l’achat, une analyse des besoins tenant compte des caractéristiques du siège, de la ceinture, des utilisateurs et des tâches à effectuer pourrait réduire quelques inconvénients liés à l’utilisation de la ceinture. Cette analyse devrait mettre des caristes à contribution. Des repères sont donnés dans ce rapport pour alimenter cette réflexion. En outre, l’entretien de la ceinture pourrait s’avérer important pour minimiser les dysfonctionnements.

 

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Denis Rancourt
  • Sylvie Beaugrand
  • Christian Larue
  • Geneviève Masson
Projet de recherche : 0099-6620
Mis en ligne le : 20 février 2013
Format : Texte