IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Réduction des risques lors des interventions en espace clos : développement d’une base de connaissances sur la prévention intrinsèque et la protection collective

Résumé

Les espaces clos parmi les plus courants dans les milieux de travail au Québec sont les réservoirs, les cuves, les puits d’accès, les égouts, les tuyaux et les citernes. Les entrées en espace clos sont effectuées, entre autres, pour des raisons de maintenance (p. ex. : réparation, inspection, nettoyage, déblocage). Les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs impliqués sont variés : atmosphérique, chimique, biologique, mécanique, physique ou liés à une chute ou au non-respect des principes ergonomiques. Dans le cadre de ce projet, une moyenne de 2,6 décès par an en espace clos au Québec sur la période 1998-2017 a été recensée (53 décès) en consultant les rapports d’enquête d’accidents graves et mortels de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Cela représente environ 4 % de l’ensemble des décès causés par un accident du travail sur cette période.

Le travail en espace clos au Québec est réglementé par le Règlement en santé et en sécurité du travail (RSST) et le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC). La réduction des risques lors des interventions en espace clos s’effectue traditionnellement par l’émission de permis d’entrée, une ventilation naturelle et mécanique, la mesure des gaz et l’utilisation d’équipement de protection individuelle (EPI). Bien que privilégiée dans les normes et potentiellement plus efficace, la mise en place de mesures à la conception des espaces clos et l’utilisation de la protection collective semblait encore marginale dans les organisations, selon une précédente étude de l’IRSST (Chinniah et al., 2016).

La présente étude s’intéresse donc aux moyens placés le plus haut dans la hiérarchie de réduction du risque pour les interventions en espace clos, c’est-à-dire les moyens pour éliminer ou réduire les risques à la source ainsi que les mesures de protection collective. Dans ce projet, à des fins de simplification, ces notions ont été regroupées sous le terme « prévention intrinsèque et protection collective » (PIPC) pour les espaces clos. Cela inclut toutes les mesures mises en place lors de la conception de l’espace clos ou lors de sa modification (c.-à-d. réingénierie, rétrofit) et qui permettent de réduire les risques pour l’ensemble des personnes qui interviennent (p. ex. point d’intervention déplacé à l’extérieur de l’espace clos pour éviter l’entrée).

Considérant que les connaissances existantes dans la littérature et dans la pratique sur le terrain ne sont pas structurées, l’objectif de cette étude consistait à bâtir une base de connaissances sur les mesures de PIPC pour réduire les risques lors des interventions en espace clos. Cette base de connaissances inclut un agencement des différents principes de réduction du risque mis en oeuvre ainsi que des informations sur l’environnement, le contexte d’opérations, les effets envisagés sur la réduction du risque et les contraintes techniques et organisationnelles à prendre en compte. Afin de bâtir cette base de connaissances, une méthodologie en trois phases a été utilisée.

Lors de la phase 1 du projet, dix accidents mortels en espace clos ont été analysés avec la technique de l’arbre des causes (AdC). Cette analyse a permis d’identifier les causes primaires des accidents en lien avec des lacunes de conception et de démontrer le potentiel des mesures de PIPC dans ce contexte.

Lors de la phase 2, quinze experts en gestion des risques pour les espaces clos (p. ex. : formateur, consultant, préventeur en industrie, concepteur côté client) ont été consultés sur l’implantation et sur l’utilisation des mesures de PIPC. Les facteurs favorisants et les contraintes exprimés par les experts quant à l’adoption des mesures de PIPC sur le terrain ont ainsi été recensés. À ce sujet, une prise en compte de l’ensemble du cycle de vie de l’espace clos par le concepteur, une planification à long terme des investissements par l’utilisateur et un engagement dans la relation concepteur-utilisateur concernant la SST sont ressortis comme étant des leviers importants. Cette phase de l’étude a également permis de proposer un modèle à l’intention des concepteurs et des utilisateurs qui structure les mesures de PIPC pour les espaces clos selon les principes suivants : P1) éliminer complètement l’espace ; P2) déclasser l’espace clos en travaillant sur les risques ; P3) supprimer la nécessité d’entrer pour effectuer une tâche spécifique ; P4) réduire le besoin d’entrer de manière générale ; P5) améliorer l’accès, l’intervention et l’évacuation. À noter qu’une démarche de réduction du risque devrait toujours s’appuyer sur une démarche complète d’évaluation du risque et non seulement sur une approche de conformité réglementaire (p. ex. définition d’un espace clos).

Finalement, lors de la phase 3 du projet, 19 études de cas en entreprise ont été effectuées afin de recenser les mesures de PIPC utilisées ou qui pourraient l’être pour des interventions réelles ciblées. Les secteurs d’activités inclus dans l’échantillon ont été ceux du traitement des eaux, de la distribution électrique/télécommunication, des pâtes et papiers, de la fabrication de pièces, du traitement chimique, du transport et de la maintenance industrielle/génie civil. Afin d’exploiter les 112 solutions recensées en lien avec 30 espaces clos, une base de données relationnelle interrogeable a été développée. Chaque solution a été associée dans la base de connaissances à un contexte (c.-à-d. espace clos, intervention), à une problématique (c.-à-d. risques, caractéristiques de conception problématiques), à un mécanisme de réduction du risque (c.-à-d. principes P1 à P5, types de mesures) et à des contraintes d’implantation (c.-à-d. techniques, organisationnelles). Les solutions sont présentées dans ce rapport en premier lieu par type d’espace clos (c.-à-d. réservoir, bassin, puits d’accès/chambre, cheminée, intérieur d’un équipement industriel) et elles sont regroupées comme suit : 6 % des solutions portent sur les principes P1 et P2, 54 % sur les principes P3 et P4 et 40 % sur le principe P5. Les options concernant P1 et P2 sont limitées, notamment à cause du fait que les participants se sont d’abord placés dans un contexte de modification de l’existant (P3 à P5). Des travaux de recherche spécifiquement avec des fabricants d’espaces clos pourraient permettre de combler cette limite.

Finalement, cette base de connaissances et les AdC développés devront faire l’objet d’une activité de valorisation afin de fournir aux utilisateurs un accès interactif à l’ensemble des données. La diffusion de la base de connaissances contribuera à sensibiliser les concepteurs, les intégrateurs et les préventeurs à l’importance et aux opportunités de réduire les risques en espace clos en se basant sur la PIPC.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2016-0043
Mis en ligne le : 13 septembre 2022
Format : Texte