Résumé Nombre de personnes ayant subi une blessure au travail présentent des symptômes de douleur et de dépression. La combinaison de symptômes de douleur et de dépression peut avoir un effet négatif sur le rétablissement de l’individu. La présence de symptômes de dépression peut nuire à la capacité d’accomplir de nombreuses activités importantes de la vie quotidienne, inclusion faite des activités professionnelles. Des études ont démontré que les travailleurs blessés qui présentent des symptômes de dépression demeurent absents du travail deux fois plus longtemps que les travailleurs blessés non dépressifs. Les interventions utilisées pour traiter la douleur et l’incapacité fonctionnelle chez les travailleurs blessés s’avèrent nettement moins efficaces lorsque ces derniers présentent aussi des symptômes de dépression. De nombreux cliniciens et chercheurs ont réclamé le développement et l’évaluation de traitements précisément conçus pour répondre aux besoins des travailleurs blessés qui présentent des symptômes de douleur et de dépression. La présente étude visait à évaluer la faisabilité et l’impact d’une forme d’intervention expressément conçue pour répondre aux besoins des travailleurs blessés qui présentent des symptômes de douleur et de dépression. Ce type d’intervention a été appelé « Programme de gestion de l'activité progressive » (PGAP). Il réunit un large éventail de techniques conçues pour accroître la pratique d’activités physiques, améliorer l’humeur et aider le travailleur blessé à retourner au travail. Dans le cadre d’une telle intervention, le travailleur blessé rencontre un professionnel de la réadaptation dûment formé, à raison d’une heure par semaine pendant un maximum de 10 semaines. En vue de recruter des participants à l’étude, des annonces ont été diffusées dans les journaux, à la radio et dans les cliniques de réadaptation du Grand Montréal. Au total, 57 travailleurs blessés (43 hommes et 14 femmes) présentant des symptômes de douleur et de dépression se sont portés volontaires pour participer à l’étude. La majorité des participants ont pris part à l’intervention jusqu’au bout. Seulement neuf participants (17 %) se sont prématurément désistés par manque d’intérêt, en raison de complications d’ordre médical ou du fait des distances de déplacement. L’âge moyen des participants était de 41 ans. La majorité des participants étaient mariés ou vivaient en union de fait, et avaient au moins 12 ans de scolarité. Au moment d’entreprendre l’étude, les participants étaient en moyenne absents du travail depuis environ 6 mois. La participation au PGAP a suscité de nombreux changements positifs. À la fin de l’intervention, les participants étaient plus optimistes quant à leur situation et à leur état de santé, et ils craignaient moins de s’engager dans des activités physiques. Ils ont en outre déclaré que leur douleur avait diminué, que leur humeur s’était améliorée et que le programme d'intervention avait amélioré leur qualité de vie. La majorité des participants ont par ailleurs indiqué qu’ils étaient « très » ou « extrêmement » satisfaits du traitement qu’ils avaient reçu. Lorsqu’ils ont été contactés six mois après la fin du traitement, 58 % des participants ont fait savoir qu’ils étaient retournés au travail. Vu l’absence d’un groupe témoin, il est impossible de se prononcer formellement sur la mesure dans laquelle les résultats en matière de retour au travail ont été influencés par l’intervention. Des études épidémiologiques indiquent qu’environ 40 % des personnes retournent au travail après avoir été absentes du travail pendant 3 mois, et que seulement 25 % des personnes retournent au travail après avoir été absentes du travail pendant six mois. Les taux de retour au travail sont encore plus faibles dans le cas des travailleurs blessés qui sont également atteints de dépression. Étant donné que la durée moyenne d'absence du travail était de six mois dans l’échantillon à l’étude, les taux de retour au travail observés peuvent être considérés comme positifs. Une certaine prudence est toutefois de mise en ce qui concerne l’interprétation des résultats de l’étude. Vu la taille modeste de l’échantillon, il n’a pas été possible de contrôler tous les facteurs externes (p. ex. : traitement concomitant, antécédents de traitement, secteur d’emploi) susceptibles d’avoir influé sur la probabilité de retour au travail. Il importe aussi de souligner que les participants à l’intervention étaient tous volontaires; il se peut en effet que les personnes qui se portent volontaires pour prendre part à des études soient particulièrement motivées à se rétablir et à retourner au travail, ce qui pourrait ne pas être le cas de tous les travailleurs blessés. Les défis de mise en oeuvre doivent aussi être pris en compte. Les compétences requises pour administrer l’intervention ne sont pas enseignées dans le cadre des programmes de formation clinique des professionnels de la réadaptation. Les cliniciens responsables des traitements offerts dans le cadre de cette étude ont ainsi reçu une formation spécialisée pour acquérir les compétences nécessaires à la prestation de l’intervention. La mise à disposition de la formation en question aux professionnels de la réadaptation à l’échelle de la province serait exigeante et coûteuse. Une éventuelle option à envisager consisterait à évaluer l’efficacité d’une version de l’intervention axée sur la prestation de services à distance. Un modèle de traitement axé sur la télémédecine ne nécessiterait en effet la formation que d’un petit nombre de professionnels de la réadaptation. Un tel modèle augmenterait également l’accès aux services pour les travailleurs blessés vivant en milieu rural ou en région éloignée. Il importe aussi de noter qu’un modèle de traitement axé sur la télémédecine serait moins coûteux que les services fournis par les cliniques de réadaptation. En conclusion, les résultats de cette étude suggèrent que le PGAP peut contribuer à l’amélioration de l’état clinique et au retour au travail des travailleurs blessés qui présentent des symptômes de douleur et de dépression. La majorité des participants ont déclaré qu’ils étaient satisfaits des traitements reçus et que leur qualité de vie s’était améliorée. Une accessibilité accrue d’interventions telles que celle évaluée dans cette étude pourrait améliorer les perspectives de rétablissement des travailleurs blessés qui présentent des symptômes de douleur et de dépression. Les résultats de l’étude permettent d’envisager l’évaluation de l’efficacité du PGAP dans le cadre d’essais cliniques contrôlés.