IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Appareil de protection respiratoire de type P100 ─ Les contraintes liées à l’intensité du travail et aux conditions ambiantes

Résumé

Dans le secteur de la construction, l’exposition professionnelle à divers contaminants tels que l’amiante, la silice cristalline et les moisissures est présente dans plusieurs métiers. Dans ces milieux, lorsque le contrôle à la source et les mesures administratives et d’ingénierie s’avèrent insuffisants, le port d’un appareil de protection respiratoire (APR) est essentiel pour réduire les risques d’exposition aux contaminants aéroportés. Dans certaines situations de travail et de températures ambiantes contraignantes, le port d’un APR pourrait augmenter la pénibilité des tâches, poussant les travailleurs à vouloir le retirer, alors qu’ils sont toujours exposés à certains contaminants. Cette étude avait comme objectif de quantifier les contraintes physiologiques, physiques et perceptivomotrices associées au port d’APR de type demi-masque avec filtre P100 selon la température et l’humidité relative ambiante lorsqu’un effort physique est exigé.

L’étude comportait trois volets. Dans les deux premiers volets, des essais avec et sans le port d’un APR de type demi-masque avec filtre P100 ont été réalisés avec huit sujets masculins lors de tests d’effort progressif (30 à 80 % du coût cardiaque relatif) sur un tapis roulant, dans une chambre à environnement contrôlé. Pour le volet 1, les participants ont réalisé les essais dans trois conditions de température ambiante (23°, 29° et 35 °C) à une humidité relative constante à 50 %. Pour le volet 2, les participants ont réalisé les essais dans trois conditions d’humidité relative ambiante (30 %, 50 %, 80 %) à une température de 29 °C. Pour le volet 3, quatre modèles différents d’APR de type demi-masque avec filtre P100, parmi les plus utilisés dans le secteur de la construction au Québec, ont été évalués dans des conditions ambiantes contrôlées (température à 29 °C et 50 % d’humidité relative).

Lors des évaluations, des tâches perceptivomotrices ont été réalisées avant, pendant et après les tests sur le tapis roulant. Plusieurs variables physiologiques et liées à l’utilisation de l’APR ont été mesurées : les fréquences cardiaque et respiratoire, les concentrations d’oxygène et de dioxyde de carbone à l’intérieur de l’APR, la saturation cérébrale en oxygène, la température à l’intérieur de l’APR ainsi que la température corporelle interne. Des échelles de perception psychophysique ont été utilisées pour évaluer la perception de l’effort lors des tests sur le tapis roulant. Lors du volet 3, l’inconfort causé par le port prolongé des quatre modèles d’APR a aussi été évalué sur une période de huit heures, à l’aide d’échelles visuelles analogues.

Les résultats ont montré que, outre la température de l’air inspiré à l’intérieur de l’APR, l’augmentation de la température ambiante, à humidité relative constante, ne semble pas causer d’effet d’interaction avec le port de l’APR. Le port de l’APR provoque une augmentation de la perception psychophysique de l’effort et cette augmentation demeure comparable pour les trois températures étudiées.

Dans les conditions d’humidité relative élevées, une augmentation significative de la fréquence cardiaque et de la perception psychophysique de l’effort a été observée pour un effort de même intensité avec le port d’un APR. Comparativement à la température ambiante, l’augmentation de l’humidité relative semble davantage influencer les indices physiologiques lorsqu’un APR est porté.

Les résultats des deux premiers volets laissent voir que les concentrations en oxygène et en dioxyde de carbone à l’intérieur de l’APR sont respectivement inférieures et supérieures aux concentrations que l’on retrouve dans l’air ambiant. L’augmentation de la fréquence respiratoire semble permettre d’augmenter la ventilation pulmonaire afin de renouveler l’air à l’intérieur de l’APR. Ces changements respiratoires favorisent probablement le maintien des niveaux de concentration de ces gaz dans l’APR malgré l’augmentation de l’effort physique.

Les résultats du troisième volet suggèrent que les types de filtre peuvent avoir un effet mineur sur certaines variables physiologiques. En comparant les modèles de types pancake et coque rigide, les résultats montrent des différences significatives, quoique légères, sur les plans de la perception psychophysique de l’effort, de la fréquence cardiaque, de l’oxymétrie cérébrale, de la température corporelle interne et de la pression téléexpiratoire en CO2. Le port des APR durant une journée complète a montré que les quatre modèles d’APR causaient des inconforts dans la région nasale, bien que légèrement moindres pour les modèles en silicone. De manière générale cependant, le fait que les APR soient constitués de silicone ne semble pas garantir un confort supérieur marqué pour les autres régions du visage des participants.

Les résultats de cette étude réalisée en situation contrôlée démontrent que certaines conditions environnementales peuvent affecter les paramètres physiologiques et causer des sensations d’inconfort avec un APR. L’augmentation de l’effort n’a pas amplifié les effets mesurés avec le port de l’APR. À l’inverse, l’humidité relative semble être le seul facteur qui amplifie l’effort perçu par les participants et leur fréquence cardiaque avec le port de l’APR. D’autres études sont nécessaires pour mieux comprendre l’effet de cette variable dans différentes conditions d’utilisation des APR se rapprochant de celles rencontrées en milieu de travail.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Denis Marchand
  • Chantal Gauvin
  • Ludovic Tuduri
  • Samuel Charbonneau
  • Igor Zovilé
Projet de recherche : 2015-0033
Mis en ligne le : 13 septembre 2019
Format : Texte