Résumé De récentes études ont mis en évidence que les travailleurs des mines d’or du Dakota et des mines de fer du Minnesota sont exposés à des particules minérales allongées (PMA). En particulier, les mineurs du Minnesota présentent un risque plus élevé de décès par cancer du poumon, par mésothéliome et par maladies cardiaques que la population générale. Comme l’intérêt renouvelé pour l’exploration de nouveaux gisements d’or et de fer dans le Nord-du-Québec laisse entrevoir une augmentation du nombre de travailleurs dans ces secteurs, il s’imposait de procéder à une première appréciation de ces milieux. Dans le but d’évaluer l’état des connaissances sur la présence des PMA dans les mines d’or et de fer du Québec et de déterminer leur contribution potentielle dans l’étiologie des cancers et des maladies pulmonaires, une étude intégrant différentes méthodes et disciplines a été entreprise pour répondre aux objectifs spécifiques suivants : (1) dresser le bilan des études épidémiologiques sur les cancers et les maladies pulmonaires chez les travailleurs des mines d’or et de fer; (2) réaliser le bilan des connaissances sur la toxicité des poussières de ces mines, en particulier des PMA amiantiformes et non amiantiformes; (3) décrire la géologie des mines d’or et de fer mondiales ayant fait l’objet d’études sanitaires et la comparer à celle des mines québécoises. Une analyse des articles de la littérature internationale portant sur les agents fibrogènes et cancérogènes (et leurs niveaux d’exposition) dans les mines d’or et de fer a d’abord été réalisée. Cette analyse a identifié certaines régions pour lesquelles des cancers et des maladies pulmonaires d’origine professionnelle ont été rapportés chez les mineurs. En parallèle, une analyse des études toxicologiques portant principalement sur les PMA a fait ressortir différents paramètres de toxicité de ces particules. Une autre revue de la littérature a ensuite documenté les différents contextes géologiques des mines d’or et de fer des pays et régions identifiés dans les études épidémiologiques et une dernière recherche documentaire a exploré la présence de PMA d’amphiboles dans les mines d’or et de fer du Québec. Ces informations ont ensuite été complétées par la caractérisation minéralogique d’échantillons provenant des mines d’or et de fer québécoises pour déterminer si ces mines sont susceptibles de contenir des PMA d’amphiboles. Les constats suivants ressortent de la revue des études épidémiologiques internationales. L’exposition à la silice est mentionnée dans toutes les études, tant pour les mines d’or que de fer, alors que le radon, l’arsenic ou les fumées de moteurs diesels ne sont signalés que dans une partie de ces études. L’exposition à des PMA n’a été mesurée ou estimée que dans deux études sur les mines d’or et une étude sur les mines de fer (taconite). Pour les mineurs d’or, une augmentation statistiquement significative du risque de décéder d’un cancer du poumon a été mise en évidence, en association avec la durée de travail, l’empoussièrement général, la concentration de silice cristalline dans l’air et le travail en mines souterraines. Une augmentation du nombre de mésothéliomes (cancer généralement associé à l’exposition à l’amiante), de certains cancers des organes hématopoïétiques, de la prostate, de l’estomac et du colon, ainsi que du rectum a également été trouvée, mais en moindre proportion. Quant aux maladies respiratoires non cancéreuses, seules la silicose et les « pneumoconioses sans précision » montrent un risque élevé dans la majorité des études. Les deux études portant une attention particulière aux PMA n’ont pas trouvé de relation entre l’exposition aux poussières contenant des fibres et les cancers ou les maladies pulmonaires non cancéreuses. Pour les mineurs de fer, une augmentation statistiquement significative du risque de décéder d’un cancer du poumon a été mise en évidence, en association avec la durée de travail et l’exposition à la silice, au radon et aux émissions de moteurs diesels. Une augmentation du nombre de mésothéliomes avec la durée d’emploi dans les mines de taconite et avec l’exposition cumulative aux PMA a été montrée dans les études américaines. Une augmentation de certains autres cancers (estomac, prostate, vessie, voies aérodigestives) a aussi été rapportée, mais disparaissait après ajustement pour le tabagisme. Quant aux maladies respiratoires non cancéreuses, un excès d’anomalies de la plèvre a été rapporté en association avec l’exposition cumulative aux PMA, et de décès par pneumoconiose et par bronchite chronique en association avec l’exposition à la silice. Les études américaines ont mis en évidence une augmentation du risque chez les travailleurs des mines de taconite, mais la relation entre l’exposition aux PMA et le risque de cancer du poumon n’existait plus après ajustement pour le sexe, l’exposition à la silice et à l’amiante et le travail dans les mines d’hématite. Le contexte géologique des mines d’or québécoises rend la présence de PMA d’amphiboles très probable (ces mines se situent dans des ceintures de roches vertes archéennes). En effet, les PMA d’amphiboles de la série actinolite-trémolite sont des minéraux caractéristiques du faciès métamorphique atteint par les basaltes se retrouvant en abondance dans ces ceintures. La différence majeure entre le contexte québécois et celui du Dakota (où des PMA ont été mesurées) est l’association spatiale systématique entre les PMA d’amphiboles et le minerai exploité dans les mines d’or situées près de formations de fer (typiques du Dakota), alors que cette association est possible, mais pas systématique, pour les mines d’or québécoises. Quant au contexte géologique des mines de fer québécoises, il est légèrement différent de celui des mines de fer américaines pour lesquelles des problèmes de santé reliés aux PMA d’amphiboles ont été rapportés. Même si les formations de fer des mines du Minnesota et du Québec se sont produites à la même période et sur la même marge continentale, des différences de métamorphisme entre les deux font que la formation de PMA d’amphiboles est plus probable au Minnesota. Dans les deux cas cependant une association spatiale systématique entre les PMA d’amphiboles et le minerai exploité est attendue. La revue de la littérature sur les sites miniers a confirmé les hypothèses déduites de leurs contextes géologiques : des PMA d’amphiboles de type actinolite ont été rapportées dans six des neuf mines d’or actives, dans trois des dix mines d’or fermées et dans deux des trois mines de fer actives, au Québec. L’étude minéralogique de onze mines d’or et de deux mines de fer québécoises, actives ou fermées, a révélé la présence de PMA d’amphiboles dans huit d’entre elles. Une morphologie en aiguille a aussi été observée dans sept de ces mines. Contrairement aux mines canadiennes et à celles de Homestake et du Minnesota, où la grunérite est la principale source de PMA d’amphiboles, l’actinolite est la plus présente dans les sites miniers québécois. Il faut toutefois souligner que les échantillons des sites miniers étudiés n’avaient pas nécessairement été prélevés dans des zones exploitées. En conclusion, la présence de PMA documentée dans certaines mines de fer et d’or québécoises montre qu’une exposition à ces particules est plausible. Il serait donc approprié d’effectuer des études pétrographiques systématiques dans ces mines afin d’identifier les zones susceptibles de contenir des PMA et de procéder à des mesures de fibres dans le cadre du programme d’échantillonnage de l’air. En l’absence de mesures de fibres dans les mines, il est prudent de préconiser des niveaux d’exposition les plus faibles possibles.