Résumé Pour voir la vidéo, veuillez activer Javascript et considérez mettre à jour votre navigateur à une version supportant le HTML5. To view this video please enable JavaScript, and consider upgrading to a web browser that supports HTML5 video. Au Québec, on dénombrait près de 29 000 exploitations qui procuraient 125 000 emplois à des travailleurs du secteur de la production agricole (2007). Alors que les pesticides ont pour fonction de lutter contre les parasites des cultures, ils peuvent avoir des effets, à court et long termes, sur la santé des producteurs qui y sont exposés, majoritairement par la peau. Leur utilisation est donc encadrée et des mesures de prévention du risque sont proposées, au nombre desquelles les équipements de protection individuelle (ÉPI) jouent un rôle essentiel. Dans un contexte de quasi-absence de données sur les maladies et lésions professionnelles relatives aux agents causaux « pesticides » au Québec, le message de prévention actuel ne donne pas tous les résultats attendus. Ainsi, cette étude pluridisciplinaire présente un état des lieux sur la prévention par les ÉPI utilisés contre les pesticides en agriculture, dresse un portrait des contextes et pratiques de travail de la production de pommes québécoise, et définit une liste préliminaire de pesticides dont il faudrait se protéger, prioritairement dans ce secteur. Des pistes d’action sont finalement suggérées et discutées. C’est l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) qui pilote l’homologation des pesticides au Canada. L’ARLA réalise une évaluation du risque et décide des mesures de mitigation à mettre en œuvre pour assurer des conditions de travail sécuritaires. Cette évaluation est basée, entre autres, sur l’étude de scénarios d’exposition où l’utilisation d’ÉPI est prise en compte par l’application de facteurs de protection (%) pour chaque type d’équipement. Les recommandations quasi systématiques de port d’ÉPI figurant sur les étiquettes ont force de loi, et leur respect est présumé garant d’un risque acceptable. Les appareils de protection respiratoire recommandés doivent être certifiés, alors que les équipements de protection cutanée sont décrits de manière générique. Des normes pouvant aider à désigner clairement les vêtements de protection requis et à caractériser un socle minimum de performance existent à travers le monde. La norme CSA Z-16602 sur les vêtements de protection chimique propose une classification selon la nature du risque anticipé, mais leur résistance chimique aux pesticides n’est pas mesurée. La norme ISO 27065, quant à elle, est spécifique aux vêtements de protection contre les pesticides. Elle décrit des vêtements classables selon trois niveaux de performance, que l’on choisit en fonction du risque anticipé pour chaque situation de travail. La mesure de l’efficacité de protection des vêtements en conditions de travail peut apporter des informations complémentaires aux données tirées de la normalisation. Une vingtaine d’études scientifiques s’y rapportant ont été recensées pour le milieu agricole. Les facteurs de protection mesurés sont compatibles avec ceux escomptés par l’ARLA dans son évaluation du risque, mais la faible quantité de données et la grande variabilité en matière méthodologique et expérimentale, réduisent la portée de la comparaison. Des difficultés ou des lacunes d’origine variée limitent donc la certitude d’avoir atteint l’efficacité de protection attendue des ÉPI. L’étude menée auprès des producteurs de pommes du Québec a permis de mieux appréhender la réalité de leur métier, et de contextualiser l’état des lieux réalisés. Plus de 500 exploitations, majoritairement de petites tailles, sont recensées au Québec. Les producteurs décrivent une forte pression économique, liée notamment au coût de la terre, des équipements, des arbres et des pesticides. Le contexte environnemental, parasites nouveaux, gels, grêle, concentration et proximité des vergers, s’ajoute à la pression économique. Pour y faire face et assurer un rendement satisfaisant, les producteurs adaptent le type de plantation, les variétés de pommes, expérimentent différentes conduites culturales et recourent aux pesticides. Depuis une quinzaine d’années, les producteurs voient leur métier évoluer. Une majorité de producteurs expriment leur accord avec les objectifs et les pratiques de la production fruitière intégrée (PFI); de nouveaux insecticides se substituent aux anciens, des molécules présentant de moindres risques sont favorisées, la stratégie de pulvérisation basée notamment sur le dépistage régulier est largement adoptée. Cette implantation est favorisée grâce au soutien apporté par des agronomes du MAPAQ, de clubs techniques ou indépendants, qui sont reconnus comme des intervenants clés appréciés des producteurs. La pression des ravageurs et les contraintes économiques amènent toutefois les producteurs à privilégier souvent l’usage de pesticides plus efficaces, et moins compatibles avec les objectifs de la PFI. La vente aux grossistes est la stratégie favorisée par une majorité de producteurs, car elle assurerait de meilleurs prix pour les fruits. Le débouché choisi pour la production de pommes et les attentes des consommateurs pour des fruits parfaits pourraient influencer le nombre de pulvérisations. Ce contexte participe à l’exposition des producteurs aux pesticides. L’analyse exploratoire de l’activité et des situations d’exposition a permis d’identifier également l’aménagement des lieux, la formulation et l’emballage des pesticides, ainsi que la conception des équipements comme des déterminants de l’exposition lors de la préparation de la bouillie et de la pulvérisation. Dans ces situations et d’autres, l’utilisation des ÉPI peut jouer un rôle de protection significatif, mais cette utilisation n’est toutefois pas systématique ou rigoureuse, un résultat maintes fois rapporté dans d’autres études. Les producteurs disent qu’ils n’ont pas assez d’information claire sur le risque lié aux pesticides et sur la meilleure façon de s’en protéger. L’effet combiné de la perception et de l’information sur le risque, ainsi que des contraintes temporelles et financières, s’ajoutent aux lacunes de l’offre des ÉPI. Finalement, il apparaît que de nombreuses mesures peuvent être proposées pour améliorer la prévention du risque lié aux pesticides dans le milieu agricole, et en particulier, chez les producteurs de pommes. Des efforts de sensibilisation, déployés auprès de ces derniers, par la formation notamment, pourraient les convaincre de la nécessité d’adopter une approche systématique et rigoureuse de protection de leur santé présente et future. Des efforts concertés des institutions concernées et des milieux agricole et scientifique peuvent soutenir les efforts des producteurs en ce qui a trait à la réduction de l’utilisation des pesticides. Une liste préliminaire de pesticides, obtenue grâce aux indices de risque construits dans cette étude pour les produits les plus utilisés par les producteurs, peut contribuer à l’orientation des efforts en prévention et en recherche. La normalisation et une meilleure conception des équipements utilisés par les producteurs devraient favoriser une réduction de l’exposition. Concernant les ÉPI, enfin, une désignation claire des équipements recommandés sur l’étiquette accompagnant les pesticides, ainsi qu’une meilleure caractérisation de leurs performances, sont souhaitables. La formation et l’information requises sur les ÉPI devraient également être élaborées de manière concertée par les parties prenantes et diffusées par un réseau d’intervenants clés, ayant la confiance des producteurs.