Résumé En Amérique du Nord, la posture debout prolongée est largement utilisée dans les entreprises, alors que dans d’autres régions du monde, le travail s’effectue plutôt à partir de la position assise. Le travail en station debout prolongée a déjà été associé à divers symptômes comme la douleur lombaire et la fatigue généralisée. Des études récentes ont démontré une association entre la douleur lombaire en posture debout prolongée et des patrons de coactivation (activation coordonnée de paires de muscles) des muscles de la région lombo-pelvienne. Cependant, ces patrons n’ont jamais été mesurés pour d’autres postures de travail, ou lorsque la posture debout était accompagnée de gestes répétitifs des membres supérieurs. L’objectif principal de ce projet était d’évaluer l’effet de différentes postures de travail (debout, assise, assis-debout) sur les patrons de coactivation musculaire lombo-pelvienne lors d’une tâche manuelle répétitive réalisée dans deux environnements distincts (laboratoire, milieu de travail). Un objectif secondaire consistait à mesurer, pour chacune des postures, l’association entre les patrons musculaires et les symptômes d’inconfort. L’hypothèse de travail était qu’il y aurait un lien entre les mesures de coactivation et la manifestation de symptômes d’inconfort, comme déjà démontré pour la posture statique debout. La seconde hypothèse formulée prévoyait que comparativement aux données de la littérature démontrant une augmentation de la coactivation lombo-pelvienne lors d’une tâche de posture debout sans mouvements des bras, la présence de ces mouvements dans notre étude contribuerait à atténuer l’augmentation de coactivation lombaire normalement observée avec le temps. Finalement, une troisième hypothèse avançait que les changements de posture influenceraient les patrons de coactivation musculaire lombopelvienne de l’ensemble des participants, mais de façon moins marquée chez les travailleurs expérimentés que chez les novices évalués en laboratoire. Un groupe de 11 travailleurs dont les tâches incluent le travail en station debout avec gestes manuels répétitifs a suivi le protocole de recherche directement en milieu de travail (5 hommes, 6 femmes, âge moyen : 43.2 ± 8.8/ années d’ancienneté : 11.6 ± 9.3). Un groupe de 18 personnes sans expérience, apparié selon le sexe et l’âge, a suivi le protocole de recherche en laboratoire (10 hommes, 8 femmes, âge moyen : 32.4 ± 8.2). Lors de trois séances expérimentales (présentées dans un ordre aléatoire), les participants des deux groupes ont effectué une tâche manuelle répétitive pendant une demi-heure en position debout, assise ou assis-debout. Le siège utilisé pour le travail assis et le banc servant à la posture assis-debout ont été ajustés selon les normes ergonomiques. Les patrons bilatéraux d’activation des muscles de la région lombopelvienne (érecteurs du rachis, obliques externes, droits de l’abdomen, moyens glutéaux) ont été enregistrés à l’aide d’électrodes de surface, et les scores d’inconfort à l’aide de schémas corporels et d’échelles durant la tâche manuelle et aussi durant des intervalles de posture statique. Des mesures de coactivation ont été effectuées selon deux méthodes décrites dans la littérature : la méthode de corrélations croisées et la méthode de calcul de l’information mutuelle. Des analyses de variance avec les variables Temps et Posture ont été appliquées sur les indices d’inconfort, et les mesures de coactivation ont été réalisées à l’aide de deux modèles statistiques (un modèle pour les données de laboratoire, un modèle pour les données du travail). L’analyse des données enregistrées en milieu de travail a démontré peu d’effets de posture; cependant, une plus grande coactivation bilatérale entre les muscles moyens glutéaux lors du travail debout confirme les résultats publiés précédemment pour les tâches effectuées en posture statique debout. Il n’y a eu aucun changement significatif dans le temps des indices de coactivation, et peu de travailleurs ont rapporté de l’inconfort lors du travail réalisé dans chacune des trois postures. Cependant, contrairement à ce qui était attendu, les résultats de laboratoire ont révélé que plusieurs indices de coactivation ainsi que le nombre de participants ayant rapporté de l’inconfort étaient plus élevés lors de la tâche en posture assise. De plus, une augmentation dans le temps de deux indices de coactivation a pu être observée. Il est possible que les différences d’expertise mais aussi dans la façon de faire les gestes avec les bras expliquent les discordances de résultats entre les volets milieu de travail et laboratoire. Les résultats présentés dans ce rapport ainsi que d’autres résultats récents de notre laboratoire mettent en lumière l’impact de la posture de travail, de l’expérience/expertise, et des gestes des bras sur les indicateurs de coactivation lombaire, et pourraient ainsi avoir un impact sur les facteurs pronostiques de l’apparition de symptômes en lien avec le travail manuel en posture prolongée.