Résumé L’Approche relationnelle de soins (ARS) est une pratique de soins que l’ASSTSAS implante depuis une dizaine d’années dans les établissements de soins de longue durée par le biais d’une formation de formateurs et qui vise autant la qualité des services aux résidents que la santé au travail des soignants. Cette recherche est exploratoire - il s’agit de la première étude portant sur l’ARS - et collaborative de par le partenariat établi avec un organisme décideur (ASSTSAS), les 17 établissements de soins de longue durée (SLD) ayant participé à la recherche et le Comité conseil-relais qui en a encadré le déroulement, validé les résultats en plus d’en assurer une certaine diffusion. Dans une première phase qui concerne les projets d’implantation de l’ARS déjà réalisés, trois études ont été menées. 1) Une analyse de questionnaires remplis par des soignants (n=392) un mois après leur participation à la formation à l’ARS, montre qu’ils perçoivent les principes et techniques enseignés comme étant utiles bien que certains éléments leur paraissent difficiles à intégrer dans la pratique. Le soutien du collectif de travail ressort comme un élément clé du transfert des apprentissages dans les situations de soins. 2) Une enquête réalisée auprès de 17 informateurs clés provenant d’autant d’établissements et représentant quelque 70 installations où l’ARS a été implantée, montre que : l’approche a été déployée après la formation de base donnée par l’ASSTSAS dans tous les établissements et qu’elle est considérée comme étant toujours vivante dans 14 d’entre eux; sa mise en œuvre dans les situations de soins est estimée pour la majorité entre 5 et 7 (médiane à 6) sur une échelle de 10 ; lorsque mise en œuvre, la perception de l’impact de l’ARS est positive, tant sur les soignants que sur les résidents. 3) Une analyse de groupes de discussion focalisée auxquels ont participé 32 acteurs (conseillers, cadres, chargés de projet, soignants-formateurs, soignants formés) provenant de neuf établissements où l’ARS a été implantée, a permis d’élaborer un modèle des facteurs d’influence comportant un niveau micro (dyade soignant-soigné), méso (collectif, unité de soins, établissement) et macro (environnement sociopolitique et économique). Une deuxième phase de la recherche consiste à analyser le déroulement en temps réel d’un projet d’implantation dans un établissement, en s’appuyant sur l’activité du conseiller qui l’accompagne et sur le point de vue des acteurs internes, recueillis à deux moments du processus d’implantation. Elle révèle les difficultés rencontrées par les acteurs internes tant dans l’organisation des formations que dans le suivi nécessaire au maintien de l’approche, et illustre les stratégies déployées pour y faire face. L’étude montre également que le contexte, notamment les changements apportés à l’organisation des soins et du travail, est une source de difficultés pour l’implantation. La troisième phase de la recherche concerne la mise en œuvre de l’ARS par les soignants en situation de travail et comporte deux études. 1) Une analyse ergonomique du travail comportant des observations et entretiens (115 heures), réalisée dans sept unités de soins auprès de neuf préposés aux bénéficiaires et deux infirmiers auxiliaires, nous a permis de documenter 164 soins d’alimentation et d’hygiène. Les résultats montrent que l’activité des soignants traduit une recherche de compromis entre les objectifs à atteindre et différents éléments tels : la protection des résidents, le respect des préférences et de l’autonomie de ceux-ci, leur propre protection en tant que soignants. Il en ressort également que les soignants élaborent une diversité de stratégies, individuelles et collectives, contribuant à la mise en œuvre de l’ARS : adaptation aux caractéristiques du résident par des changements apportés au déroulement du soin et à celui du quart de travail; recherche d’informations sur le résident; partage avec le collectif. Bien que l’ARS mette l’accent sur les soins d’hygiène, les résultats montrent que ses principes sont également appliqués par les soignants lors des soins d’alimentation. Plusieurs ressources apparaissent favorables à la mise en œuvre de l’ARS au cours des soins : disponibilité de matériel et d’équipements, environnement spatial compact, organisation du travail souple. La deuxième étude de cette phase visait à explorer, par le biais d’observations de dyades résident/soignant lors de situation de soins d’hygiène/habillage, les liens entre l’ARS et les comportements de résidents lors de ces soins. Quatorze résidents et cinq soignants en provenance de deux établissements ont été étudiés par deux observateurs indépendants, non impliqués dans les milieux de soins. En recourant à une grille comportant 23 items d’objectivation de l’ARS, conçue pour cette étude, le degré d’application de l’approche a été estimé à 86,6 % ce qui correspond à la cote de 86,3 % que les soignants se sont donnés eux-mêmes pour ces soins. Les données issues des observations des résidents suggèrent que des comportements d’agitation sont présents et variables d’un résident à un autre. Les comportements positifs sont plus fréquents, particulièrement ceux non verbaux, que les comportements perturbateurs ou d’agitation. Pour la première fois, à notre connaissance, les comportements positifs des résidents ont été pris en compte. La recherche contribue à plusieurs égards à l’avancement des connaissances scientifiques. Elle suggère que l’implantation d’une approche de soins axée sur la personne, telle que l’ARS qui met l’accent sur la dimension relationnelle du soin, est un processus de changement de culture qui nécessite, au-delà de la formation donnée aux soignants, par ailleurs très appréciée, que plusieurs conditions soient en place. Le processus d’implantation mené comme un projet marque bien le démarrage de ce changement. Par contre, son maintien dans le temps semble compromis par le taux de roulement élevé des soignants, la multitude de projets menés en parallèle dans les établissements, dont certains apparaissent aller dans une direction contraire. Sur le plan méthodologique, la recherche a permis de développer des outils intéressants, notamment une grille d’objectivation de la mise en œuvre de l’approche, de même qu’un outil pour apprécier les comportements positifs des résidents. Plusieurs recommandations sont adressées aux concepteurs de politiques, aux milieux de soins et à l’ASSTSAS afin de promouvoir l’ARS comme un outil visant à équilibrer la tension entre les dimensions technique et relationnelle des soins.