Résumé La comparaison entre les statistiques des accidents mortels dans l’industrie halieutique et celles des autres catégories professionnelles révèle que la pêche est l’un des métiers les plus dangereux. À bord d’un navire, le travail est accompli dans des conditions difficiles, sur une plateforme en mouvement, exposée aux intempéries et glissante. Pour des raisons de sécurité et de facilité d’exécution durant les opérations de pêche, les travailleurs cherchent à diminuer l’influence des mouvements du navire, en utilisant des systèmes d’amortissement du roulis, dont la fonction principale est de limiter les mouvements latéraux sans trop influencer les mouvements longitudinaux (tangage) causés par la mer. Ce projet visait, d’une part, à inventorier les systèmes d’amortissement du roulis des navires de pêche semi-hauturière en opération au Québec et, d’autre part, à effectuer des tests comparatifs de performance des deux systèmes les plus populaires au Québec : celui à ailerons à charnières, un système en pleine émergence, et celui à paravanes, le système le plus répandu dans nos flottilles. L’inventaire a révélé que la moitié des 292 navires de plus de 15 tonneaux de jauge sont équipés d’un système à paravanes, alors que le système à ailerons à charnières vient bon deuxième (11 %) comme dispositif d’amortissement du roulis. L’implantation de ce dernier est toutefois croissante. En complément, une enquête qui a rejoint 53 % des 30 capitaines-propriétaires qui avaient fait équiper leur bateau d’ailerons à charnières, à la fin octobre 2010, révèle un taux de satisfaction élevé sur tous les plans : facilité de manutention, confort, sécurité et performance générale en mer. À l’été 2010, des essais en mer ont été menés à bord de deux crabiers jumeaux, le Danie Martine, équipé de paravanes et le Rudy L1, équipé d’ailerons à charnières. Le but de ces essais était de vérifier si le Rudy L1 se comportait avantageusement à l’égard de trois aspects qui préoccupent les pêcheurs et les organismes de réglementation : la stabilité de l’embarcation, la sécurité et le confort des équipages, de même que les coûts d’énergie (carburant). Trois journées d’essais en mer ont été effectuées dans la Baie-des-Chaleurs près des côtes de la Gaspésie. Chacune des journées comprenait 21 essais de 15 minutes chacun pendant lesquels trois variables majeures ont été testées : 1) la position des systèmes d’amortissement (à la verticale, semi-déployés et immergés); 2) la vitesse du bateau, basée sur des situations opérationnelles (dérive, demi-vitesse comme lors d’une opération de pêche et pleine vitesse comme lors du trajet entre le quai et le fond de pêche); 3) la position du navire selon la direction du vent (face, arrière, travers). Les données ont été enregistrées en continu au moyen d’outils spécialisés, tels : une centrale inertielle, un indicateur de torque déployé sur l’arbre de transmission, la vitesse par rapport au fond selon la position GPS, l’orientation et la vitesse du vent au moyen d’un anémomètre. Les conditions climatiques vécues durant ces trois jours ont été assez clémentes de sorte que l’agitation de la mer était plutôt modérée. Considérant cet environnement, les valeurs moyennes de l’amplitude du roulis, enregistrées lors des mouvements latéraux du Danie Martine et du Rudy L1, se situaient à l’intérieur d’une plage sécuritaire, étalées entre 2 et 6 degrés. Plus spécifiquement, les résultats obtenus démontrent que les valeurs minimales moyennes de l’amplitude du roulis ont été enregistrées sur le Danie Martine; alors que les valeurs maximales ont été observées sur le Rudy L1, bien que les différences étaient faibles, notamment quand les systèmes d’amortissement du roulis étaient immergés. Les valeurs de l’amplitude du tangage étaient moindres lorsque les bateaux étaient en dérive ou à demi-vitesse et que les systèmes d’amortissement du roulis n’étaient pas déployés. Les valeurs minimales se situaient autour de 1 degré; alors que les valeurs maximales étaient de l’ordre de 2,5 degrés. En déplacement, le Rudy L1 présentait une amplitude de tangage supérieure à celle du Danie Martine. Sur le plan de la consommation d’énergie, le Rudy L1 était plus économe que le Danie Martine à demi-vitesse; alors que l’énergie nécessaire à leur déplacement était équivalente à pleine vitesse, lorsque les systèmes d’amortissement du roulis étaient déployés. Tout comme le système à paravanes, le système à ailerons à charnières peut être considéré comme un système avantageux au plan de la réduction du roulis, permettant ainsi une meilleure stabilité générale du bateau et une amélioration de la sécurité de l’équipage. De même, nos observations visuelles montrent que les ailerons à charnières sont plus simples et plus faciles à déployer par les membres d’équipage que les paravanes. D’ailleurs, il est plus facile pour le capitaine de déterminer l’envergure des ailerons à charnières, système à géométrie fixe, que celui des paravanes dont la géométrie est influencée par l’effet de résistance de l’eau sur le couple câbles-paravanes. Ceci permet plus facilement d’éviter des obstacles qui flottent en surface ou en sous-surface.