Résumé Au Québec, les jeunes entrent de plus en plus tôt sur le marché du travail. Or, parmi l’ensemble des travaux de recherche portant sur la question des jeunes en lien avec la santé et la sécurité du travail (SST), peu d’études portent sur les travailleurs âgés de 15 à 19 ans. De 1976 à 2005, le taux d’activité de ces jeunes travailleurs est pourtant passé de 43,7 % à 51,8 %. Plus encore, la proportion des jeunes de 15 à 19 ans qui occupent un emploi alors qu’ils sont aux études a presque doublé au cours des trente dernières années. Le Dépôt de données central et régional (DDCR) de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) nous apprend que 21 963 travailleurs âgés de 18 ans ou moins ont été indemnisés au cours de la période 2000-2007. En ce qui concerne la gravité des lésions professionnelles, 158 travailleurs de 18 ans ou moins, en moyenne chaque année, ont été victimes de lésions professionnelles graves au point d’en conserver des séquelles permanentes. Cela représente 5,8 % des lésions recensées au cours de cette période chez les travailleurs de cette tranche d’âge. Le présent projet de recherche visait trois objectifs : dresser un portrait des conditions d’exercice du travail et de SST de jeunes fréquentant les niveaux d’enseignement secondaire et collégial; identifier les facteurs associés à divers indicateurs de santé (santé générale perçue, détresse psychologique, fatigue et durée du sommeil) que l’on sait être associés à des risques pour la SST et, finalement, présenter un portrait des accidents de travail et de la déclaration des accidents chez les étudiants du collégial.Les données analysées dans ce projet proviennent de l’Enquête interrégionale 2008 réalisée par ÉCOBES – Recherche et transfert du Cégep de Jonquière auprès de trois échantillons représentatifs d’élèves du secondaire des régions de la Capitale-Nationale (n = 1 420), du Saguenay–Lac-Saint-Jean (n = 1 452) et des Laurentides (n = 1 039) et auprès d’un échantillon de volontaires, non probabiliste, d’étudiants du collégial des Laurentides (n = 394). Les élèves et les étudiants rejoints ont répondu à un questionnaire autoadministré incluant des questions sur l’emploi occupé, le nombre d’heures travaillées, les caractéristiques de l’environnement organisationnel et physique de travail et la formation en SST. Aussi, divers indicateurs de santé ont été documentés.Au cours du mois précédant l’enquête, environ un élève du secondaire de 12-14 ans sur huit (12,4 %) et plus de deux élèves de 15 19 ans sur cinq (43,2 %) occupaient un emploi rémunéré tandis qu’au collégial, c’était près des trois quarts des étudiants (71,4 %) qui exerçaient un emploi rémunéré. Aussi, près du tiers des élèves du secondaire (32,7 %) avait consacré plus de 20 heures par semaine à leur travail. Tel qu’attendu, les jeunes œuvrent principalement dans le secteur de la vente et des services. Cependant, chez les très jeunes travailleurs de 12 à 14 ans (n = 190), le secteur primaire (principalement l’agriculture) représente la porte d’entrée dans le monde du travail d’environ un jeune sur six (15,8 %). De plus, les 12-14 ans sont proportionnellement aussi nombreux que les 15-19 ans à être exposés à des contraintes organisationnelles, telles une demande psychologique élevée, une faible latitude décisionnelle et un faible soutien social. Aussi, les 12-14 ans sont proportionnellement aussi nombreux que les 15-19 ans à être exposés à 10 contraintes physiques de travail ou plus.Les analyses multiples réalisées pour identifier les facteurs associés à une perception plus négative de sa santé générale, à un niveau élevé de détresse psychologique, à la présence de nombreux signes de fatigue et à une plus courte durée de sommeil nocturne chez les élèves travailleurs du secondaire ont révélé que le sexe, une perception plus négative du statut social familial, les conflits travail-études, un cumul élevé de gestes répétitifs et de manutention ainsi qu’une histoire d’accidents de travail représentaient des variables significatives. Finalement, environ un élève du secondaire sur sept (15,2 %) et plus d’un étudiant du collégial sur dix (10,2 %) rapportent avoir subi une lésion professionnelle au cours des 24 mois ayant précédé l’enquête.Il s’agit de la première étude, à notre connaissance, qui documente les conditions d’exercice du travail et de SST chez de jeunes travailleurs de 12 à 14 ans. Une proportion substantielle de ceux-ci est très tôt exposée à diverses formes d’intensité du travail, que ce soit en termes d’heures hebdomadaires travaillées, de jours consécutifs de travail ou de contraintes organisationnelles et physiques de travail.