Résumé La santé des travailleurs a été abondamment étudiée et il est connu que les travailleurs des porcheries plus particulièrement peuvent développer des inflammations chroniques des voies respiratoires suite à l’inhalation de contaminants organiques, de gaz comme l’ammoniac provenant du lisier (NH3) ou le gaz carbonique (CO2) produit par l’activité des porcs. Pour documenter les causes de ces problèmes et y remédier, de nombreuses études ont été effectuées. Malheureusement il a toujours été difficile de faire le lien entre les causes et les effets. En effet, par le passé, pour étudier la biodiversité dans l’environnement, beaucoup d’analyses étaient basées uniquement sur la culture des microorganismes. Or, les réactions d’inflammation étant causées par les protéines de surface, il n’est pas nécessaire que le microorganisme soit vivant pour provoquer une inflammation celle-ci pouvant même être initiée par des débris cellulaires. Il est donc nécessaire d’appliquer des méthodes autres que la culture car celle-ci limite la biodiversité microbienne par le choix des milieux de culture et sous-estime également la charge microbiologique, les organismes n’étant pas toujours « récupérables » sur les différents milieux. Des approches alternatives sont maintenant disponibles. Il s’agit de méthodes basées sur la biologie moléculaire qui se servent de l’étude des séquences des gènes conservés de l’ADN bactérien 16S ou de l’ADN eucaryote 18S, ce qui permet de décrire la biodiversité d’un milieu sans avoir recours à la culture. Ces méthodes ont été largement utilisées dans l’étude de la microbiologie des sols, mais n’ont pas encore été appliquées à l’étude des bioaérosols (particules biologiques en suspension dans l’air). Nos objectifs dans ce projet étaient donc, en appliquant les méthodes de biologie moléculaire comparées à la méthode classique de la culture, d’étudier l’influence des saisons et l’influence du mode de gestion du lisier sur la charge et la nature des bioaérosols. Vingt-six entreprises de production porcine ont été recrutées dans les environs de Québec (150km) et la plupart (18) ont été visitées à trois reprises, deux fois en hiver et une fois en été. Vingt-deux (22) porcheries faisaient de l’engraissement sur lattes, les quatre autres pratiquant l’engraissement sur litière (profonde ou non). L’étude de la biodiversité, de certains pathogènes ainsi que l’étude de la charge microbiologique totale ont été effectuées à l’aide des méthodes de biologie moléculaire et des méthodes classiques de culture sur les échantillons d’air recueillis à l’aide de divers échantillonneurs. Il en ressort que, même si la température diminue dans les engraissements sur litière par rapport aux engraissements sur lattes, la concentration totale des bactéries cultivables dans l’air est plus élevée dans les engraissements sur litière que dans les engraissements sur lattes. Par contre cette différence n’apparaît pas quand on fait l’analyse par biologie moléculaire, cette méthode donnant cependant des concentrations 1000 fois plus élevées que les comptes cultivables. Certains pathogènes sont retrouvés dans l’air et, dépendant de la nature du microorganisme, certains sont observés uniquement par culture alors que pour d’autres l’analyse par biologie moléculaire donne de meilleurs résultats. L’analyse par biologie moléculaire a permis d’établir que la charge microbiologique totale ainsi que les concentrations de certains pathogènes (Enterococcus sp. et E. coli) étaient plus élevées en hiver qu’en été. D’autre part, il a été démontré que la biodiversité ne varie pas selon les saisons indépendamment des variations de ventilation et de température et qu’elle est constituée à 94% de bactéries à gram-positif appartenant principalement au groupe des bactéries fermentaires provenant de l’intestin du porc. Les outils de biologie moléculaire ont également permis de mettre en évidence la présence d’archaebactéries, les concentrations étant du même ordre que celles des bactéries totales et diminuant de 3,5 fois durant l’été. Notre étude a donc permis de démontrer la faisabilité et l’utilité des outils de biologie moléculaire pour la caractérisation des bioaérosols en milieu agricole. Cependant, les analyses utilisant ces nouvelles technologies ont elles aussi leurs limites techniques pouvant influencer l’étendue de la biodiversité observée, notamment à cause des limites de détection relativement élevées de celles-ci. Les méthodes de culture demeurent encore un complément essentiel aux études moléculaires.