Résumé Selon les intervenants de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), presque 50 % des travailleurs touchés par une lésion professionnelle sur l’île de Montréal seraient issus de l’immigration (ou de groupes ethnoculturels) (CNESST, 2010). Il ne s’agit que d’une estimation, puisque les indicateurs ethnoculturels tels que le pays de naissance, la langue maternelle ou autres ne sont pas des données colligées par la CNESST. Dans le cadre du projet de l’IRSST intitulé Comprendre le processus de réadaptation et de retour au travail dans le contexte des relations interculturelles (Côté et al., 2017), travailleurs, employeurs, cliniciens et intervenants de la CNESST ont été interrogés au sujet des obstacles et des facilitateurs relatifs au retour au travail. Pour le volet clinicien et intervenant de la CNESST, des stratégies ont été identifiées, ainsi que des besoins en matière de développement de compétences interculturelles (CI). Selon les intervenants, l’acquisition de compétences interculturelles peut faciliter la communication interculturelle par les habiletés relationnelles, la capacité d’écoute et de compréhension. La présente recherche a pour objectif le développement du contenu d’un outil d’aide à l'amélioration des compétences interculturelles des intervenants de la CNESST à partir d'une démarche de coconstruction. Cette étude prévoit : la coconstruction d’un outil d’aide à la communication interculturelle pour les intervenants de la CNESST (objectif 1), la documentation du processus de coconstruction de l'outil d'aide à la communication interculturelle (objectif 2) et l’évaluation du développement des compétences interculturelles d’un groupe d’intervenants de la CNESST (objectif 3). Un groupe de travail, composé de dix intervenants (conseillers en réadaptation, agents d’indemnisation) et d’un animateur, un groupe de validation composé de quatorze intervenants (conseillers en réadaptation, agents d’indemnisation) ainsi qu'un comité directeur, se sont réunis sur une base régulière pendant environ dix-huit mois dans la perspective de la recherche collaborative et suivant une approche de coconstruction. Pour atteindre l’objectif général de cette recherche, plusieurs approches méthodologiques et outils de collectes de données ont été utilisés. Tout d’abord, pour répondre à l’objectif 1, a) la recherche collaborative (Desgagné, Chené et Roy, 1997) et b) la méthode des situations en contexte interculturel (Apedaile et Schill, 2008; Mutha, Allen et Welch, 2002; Van Staalduinen, Towle, Godolphin et Laing, 2003; White et Gratton, 2017). Pour répondre à l’objectif 2, c) l’observation participante lors de chacune des rencontres avec le groupe de travail et le comité directeur. Puis, pour répondre à l’objectif 3 sur le développement de la compétence interculturelle, d) les questionnaires : Intercultural Effectiveness Scale (IES) (Portalla et Chen, 2010) et Intercultural Sensitivity Scale (ISS) (Chen et Starosta, 2000) ont été appliqués aux intervenants et e) un groupe de discussion (avec le comité directeur). La coconstruction visait à la fois à définir la forme de l’outil d’aide à la communication interculturelle, son contenu et les objectifs pédagogiques. Comme le processus n’était pas prédéterminé, cette recherche a permis d’identifier les étapes charnières, les différents enjeux qui ont pu ralentir et les facteurs qui ont rendu possible la construction d’un outil d’aide à la communication interculturelle. Grâce à cette recherche, il a été possible de mesurer l’évolution de la compétence interculturelle des intervenants à partir de trois instances d’observation : a) le groupe de travail composé des professionnels de l’indemnisation et de la réadaptation; b) le comité de direction composé de gestionnaires, et c) un groupe de validation composé de professionnels de l’indemnisation et de la réadaptation. L’étude montre l’importance d’intégrer les trois dimensions individuelle, collective et organisationnelle dans la définition de la compétence interculturelle et dans la mise en œuvre d’une démarche collaborative et réflexive de ce type de compétence dans les organisations en santé et sécurité du travail (SST). Elle fait ressortir en outre l’importance de certaines thématiques servant de base aux échanges : le sens du travail, le sens de la douleur et de la capacité de travail, la surqualification, les différentes logiques ou parcours d’insertion en emploi pour les immigrants. Ces thèmes définissent de grands enjeux de société qui débordent largement le cadre d’exercice des professionnels de la réadaptation au travail, mais demeurent essentiels pour comprendre la problématique complexe de la SST et des travailleurs immigrants.