Résumé Le traitement des eaux usées comporte plusieurs étapes susceptibles de générer des bioaérosols auxquels des travailleurs peuvent être exposés. Bien que la littérature à ce sujet soit relativement abondante, les connaissances relatives au risque, à l’exposition et à la fréquence de certaines maladies chez cette population demeurent mal documentées. L’environnement des centres de traitement des eaux usées est complexe à plusieurs égards. En effet, les différents sites de traitement représentent des risques variables en ce qui a trait à la nature et à la concentration des bioaérosols, ainsi qu’au type de travail effectué. La majorité des études s’intéressant à cette problématique ont utilisé des approches dites classiques, utilisant la culture de microorganismes, afin d’étudier la concentration et la nature des bioaérosols. Très peu de données relatives à certaines infections virales (grippe, gastroentérite) sont disponibles, rendant difficile l’évaluation du risque associé à ce type de travail. Les pays nordiques représentent une situation particulière, car les saisons ont un impact sur différents paramètres comme le confinement intérieur des étapes de traitement, les débits de ventilation des établissements et la variation de la température de l’eau à traiter. La compréhension de l’influence des saisons sur l’exposition professionnelle est donc importante. Très peu d’informations sont disponibles quant à l’incidence des symptômes respiratoires et gastroentériques chez les travailleurs œuvrant dans ce milieu, symptômes pour lesquels les travailleurs s’absentent du travail. Cette recherche vise à combler certaines lacunes dans les connaissances relatives au risque professionnel associé au travail dans les centres de traitement des eaux usées (CTEU), tout en mettant à profit une expertise unique dans l’analyse des bioaérosols (bactériens et viraux) et en appliquant des technologies modernes de biologie moléculaire. Grâce à ces technologies, il devient possible de mieux décrire l’exposition des travailleurs de ce secteur d’activité à certains virus pathogènes respiratoires ou gastro-intestinaux. Ce projet de recherche a permis de décrire la diversité des bioaérosols et de documenter des corrélations inattendues entre les bactéries cultivables et les endotoxines, suggérant un abaissement d’exposition aux bactéries cultivables. La biologie moléculaire a permis de mesurer de façon efficace les bactéries totales dans les bioaérosols et cette mesure est suggéré comme marqueur d’exposition potentiel. La présence de nombreux virus par biologie moléculaire a aussi été démontrée, mais leur degré d’infectivité n’a pas été établi. Seul l’adénovirus montre une corrélation avec les bactéries totales estimées et les endotoxines. La mesure de ce virus pourrait servir de biomarqueur d’exposition. Des échantillonnages personnels ont validé les niveaux d’exposition aux bioaérosols. Enfin, des questionnaires longitudinaux autoadministrés proposent que les travailleurs des CTEU sont plus fréquemment victimes de symptômes gastroentériques, qu’ils s’absentent plus fréquemment du travail pour cette raison et qu’ils sont plus sujets à ressentir des symptômes relatifs au contact avec de l’air de moins bonne qualité. Cette étude d’envergure a permis une caractérisation exhaustive de l’exposition aux bioaérosols infectieux, non infectieux et sensibilisants, ce qui contribuera éventuellement à une meilleure évaluation du risque et à l’implantation de mesures visant à mieux contrôler l’exposition. Aussi, l’étude pilote effectuée auprès d’un sous-groupe de travailleurs de ce milieu a permis d’approfondir l’incidence de symptômes respiratoires et gastroentériques au sein de cette population.