Résumé La biométhanisation est un procédé de transformation anaérobie des matières organiques putrescibles (MOP) en biogaz et en digestat destiné à l'épandage en milieu agricole. Ce procédé est en forte croissance en raison de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles qui prévoit le bannissement de l'enfouissement des MOP, et ce, dès 2020. L'exposition des travailleurs affectés aux activités de biométhanisation a fait l’objet de peu de publications scientifiques. L'objectif général de cette recherche est donc d'évaluer de manière exploratoire l’exposition de ces travailleurs. Plus spécifiquement, cette étude vise à 1) détecter et à mesurer la présence et les concentrations des agents biologiques (microorganismes pathogènes et totaux) et des substances chimiques dans l’air ambiant; 2) apprécier le risque potentiel pour la santé des travailleurs; 3) hiérarchiser les aires critiques en fonction des risques potentiels. Deux usines de biométhanisation de MOP ont participé à cette recherche. L’une d’elles opérait en condition mésophile, soit à des températures entre 35 et 40 °C et utilisait comme substrats des MOP d’origines résidentielle, commerciale et agroalimentaire ainsi que des boues d’épuration d’eaux usées. L’autre usine opérait en condition thermophile, soit à des températures d’environ 55 °C, et procédait exclusivement avec des MOP d’origine résidentielle. Des échantillons de l’air ambiant ont été prélevés et analysés pour déterminer les concentrations atmosphériques de gaz, de métaux, de composés organiques volatils (COV), de poussières et de bioaérosols présents en milieu de travail. De plus, la flore microbienne présente dans les échantillons d’air a été analysée par culture et par méthode moléculaire. En raison de la présence de marqueurs de risques biologiques pour la santé humaine, les genres Legionella et Mycobacterium et l’espèce Saccharopolyspora rectivirgula ont été ciblés comme indicateurs spécifiques de risque. Cette étude a permis de mettre en évidence un risque biologique alors qu’aucun risque chimique pour la santé des travailleurs n’a été rencontré. Le risque biologique est lié à une exposition des travailleurs à des concentrations de microorganismes dépassant les valeurs guides recommandées et ayant des dimensions respirables. De plus, les bioaérosols présents se sont révélés d’une grande biodiversité. Seules les mycobactéries non tuberculeuses et Saccharopolyspora rectivirgula ont été déterminées comme indicateurs de risque. Les concentrations de bioaérosols ont permis de hiérarchiser les aires de travail les plus critiques selon les risques biologiques auxquels les travailleurs sont exposés. Il s’agit des zones où les MOP sont susceptibles d’être directement manipulées, soit, par ordre d’importance, les aires de réception et de prétraitement suivies des aires réservées au post-traitement par maturation. Les aires de prétraitement, lieux d’agitation des MOP par brassage manuel ou mécanique et par arrosage demeurent toutefois les plus critiques, toutes saisons confondues. Les concentrations de bioaérosols dans l’air ambiant des deux usines de biométhanisation exigent le port d'équipements de protection respiratoire et cutanée par les travailleurs. Ces recommandations s’appliquent plus particulièrement aux travailleurs qui œuvrent à proximité ou en contact direct avec les MOP fraîches et digérées ainsi que pour ceux qui sont présents lors des opérations de nettoyage des équipements et des locaux.