Résumé Les fontaines biologiques appelées fontaines de biodégradation ou simplement biofontaines contiennent des dégraissants qui renferment des bactéries dont la tâche est de dégrader, par minéralisation, les salissures hydrocarbonées (huiles et graisses). Les fabricants de dégraissants pour biofontaines affirment que les microorganismes utilisés dans leurs préparations sont inoffensifs puisqu’ils se classent dans le groupe de risque 1; ils se référent alors à la classification des microorganismes en quatre groupes de risque infectieux. Cependant, des auteurs ont identifié plusieurs bactéries du groupe 2 (risque infectieux modéré pour la personne, mais faible pour la communauté) dans les liquides des biofontaines, par exemple Pseudomonas aeruginosa. Aucune donnée métrologique n’était toutefois disponible pour évaluer le risque d’exposition par inhalation des travailleurs. Cette recherche visait à combler cette absence de données. Cinq biofontaines ont fait l’objet d’une surveillance durant un an. Tous les deux mois, des prélèvements de bioaérosols y ont été effectués en utilisant des impacteurs à un étage de marque Andersen et des cassettes en polystyrène à trois sections. Des échantillons de 50 mL de liquide dégraissant ont été prélevés dans un tube stérile à partir des biofontaines. De plus, lors de la première visite, un échantillon de 50 mL de liquide vierge, qui n’a jamais été utilisé, a été prélevé directement du contenant de dégraissant pour chacune des biofontaines. Les différents prélèvements ont servi au dénombrement des bactéries cultivables et à leur identification, soit directement par incubation des géloses provenant des impacteurs Andersen, soit par l’étalement de 200 µL de l’extrait provenant du filtre de polycarbonate ou des échantillons de liquide. Différentes méthodes ont été utilisées pour l’identification bactérienne : coloration différentielle de Gram, épreuve catalase, test d’oxydase, plaques d’identification Microscan, analyse du profil en acides gras et analyses au spectromètre de masse. Le suivi annuel des liquides des cinq biofontaines a permis de mesurer des concentrations de microorganismes cultivables variant de 3,6 x 104 à 2,6 x 107 UFC/mL. Soixante espèces bactériennes y ont été identifiées. Ces espèces appartiennent aux groupes de risque 1 et 2; la présence de bactéries à Gram positif et négatif a aussi été notée. Plusieurs genres bactériens ont été dépistés dont Bacillus, Pseudomonas, Citrobacter, Burkholderia, Staphylococcus et Stenotrophomonas. En revanche, dans les liquides inutilisés des cinq biofontaines, seule l’espèce Bacillus subtilis a été détectée. Les biofontaines sont donc rapidement colonisées par différents microorganismes exogènes comme Pseudomonas aeruginosa. Le danger d’un contact cutané est principalement lié à l’infection de plaies ou encore à l’ingestion involontaire, par exemple, en portant sa main à la bouche ou en portant à la bouche des objets contaminés. Des mesures d’hygiène individuelle rigoureuses, dont le lavage des mains avant et après l’utilisation des biofontaines, ainsi que le port de gants sont donc nécessaires. Cette étude a établi que les travailleurs utilisant une biofontaine étaient très faiblement exposés aux bioaérosols. Alors que les niveaux d’intervention recommandés pour une exposition professionnelle aux bioaérosols sont de l’ordre de 104 UFC/m³, les concentrations moyennes ambiantes mesurées durant cette étude étaient toutes inférieures à 480 UFC/m³. En outre, l’utilisation d’une soufflette pour sécher les pièces dégraissées dans les biofontaines ne fait pas augmenter de façon appréciable l’exposition des travailleurs aux microorganismes cultivables. Aucune protection respiratoire n’est donc recommandée lors de l’utilisation des biofontaines.