Résumé Le nombre d’accidents du travail a diminué au cours des 30 dernières années au Québec. Néanmoins, il y a toujours un travailleur qui y est blessé ou mutilé toutes les six minutes. Les blessures aux mains ont représenté 14,9 % de l’ensemble des lésions indemnisées par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CNESST) en 2012. Cette proportion a atteint 30 % dans certains secteurs d’activité, notamment ceux de l’usinage du métal et de la préparation alimentaire. Le port de gants de protection adaptés au contexte de travail est l’un des moyens pour réduire le risque de blessures aux mains. Des méthodes normalisées permettent de déterminer le niveau de protection des gants, notamment contre la coupure et la perforation. Cependant, ces niveaux de protection sont généralement connus pour des gants neufs seulement et peu d’études ont montré leur évolution temporelle selon les contraintes rencontrées en milieu de travail. Dans de nombreux secteurs d’activité, comme celui de l'usinage du métal, les risques sont souvent multiples et l’exposition aux fluides de coupe peut modifier les propriétés de résistance mécanique des gants. De plus, les gants peuvent parfois être nettoyés afin de prolonger leur durée d'utilisation et de réduire les coûts, sans pour autant que l’on ait déterminé l’impact de ce traitement sur leurs performances. L’objectif de cette étude était de caractériser l’effet des fluides de coupe sur la résistance mécanique des gants de protection, en conditions contrôlées au laboratoire ainsi qu’en milieu de travail. Pour ce faire, des gants et des contaminants déjà utilisés dans trois secteurs de travail de deux entreprises partenaires de l’étude ont d’abord été choisis. Les effets d’une contamination de ces gants en laboratoire et des traitements de nettoyage, sur la résistance résiduelle des gants à la coupure et à la perforation, ont été évalués avec différents couples gants/contaminants. Ensuite, des tests de gonflement en laboratoire sur différents polymères ont été réalisés afin de déterminer les polymères d’enduction des gants les plus résistants aux fluides de coupe utilisés en usinage du métal. Des tests de gonflement sur deux de ces polymères exposés à des fluides de coupe à différentes températures ont également été effectués pour constater l’effet de la température sur la résistance chimique. Des essais complémentaires de caractérisation des fluides de coupe et l’utilisation des résultats des tests de gonflement ont été analysés selon une régression linéaire multiple. Cette analyse a permis de déterminer les paramètres caractérisant les fluides qui ont un impact significatif sur le gonflement. Finalement, à partir de ces résultats et considérant les secteurs de travail ciblés dans les deux entreprises partenaires de l’étude, des gants pouvant répondre aux besoins des travailleurs en termes de la protection et de la fonctionnalité ont été sélectionnés parmi ceux disponibles sur le marché. Ces « nouveaux » gants ont été testés en milieu de travail dans le cadre d’un programme d’usure des gants. Ce programme a consisté à mesurer la résistance à la coupure et à la perforation des gants usagés après leur utilisation et à comparer ces propriétés à celles des gants neufs, ainsi qu’à vérifier auprès des travailleurs, à l’aide d’un questionnaire, si le choix des gants répondait bien à leurs besoins. Les essais de gonflement menés sur les polymères ont permis de classer les polymères d’enduction potentiels des gants selon l’ordre décroissant de leur résistance aux fluides de coupe : PVC, Nitrile, Polyuréthane > Néoprène > Butyl, Latex. L’analyse effectuée selon une régression linéaire multiple a permis, d’une part, de démontrer que la densité (ou la constante de viscosité-gravité) du fluide et les paramètres de solubilité des polymères ont un impact significatif sur le gonflement et, d’autre part, de proposer des modèles qui expliquent jusqu’à 74 % de la variance totale du gonflement. Les résultats des essais de contamination des gants en laboratoire sur différents couples gants/contaminants ont démontré que l’état du gant avait un effet significatif sur sa résistance mécanique, notamment sur la résistance à la perforation. De manière générale, la résistance à la coupure et surtout à la perforation diminue lorsque les gants sont en contact avec un fluide de coupe. Cependant, avec plusieurs des couples gants/contaminants étudiés, l’effet des fluides de coupe sur la résistance mécanique n’a pas été statistiquement significatif. Ces résultats sont compréhensibles dans la mesure où les gants initialement utilisés par les entreprises partenaires sont composés principalement des polymères nitrile ou polyuréthane, ceux-ci ayant démontré les meilleures résistances aux fluides de coupe lors des essais de gonflement en laboratoire. Les résultats des traitements de nettoyage des gants ont mis en évidence des changements de morphologie et de propriétés mécaniques, notamment une décoloration et une légère augmentation de la résistance à la perforation. Les résultats du programme d’usure des gants en milieu de travail ont montré que l’effet d’une utilisation normale en présence de contaminants est très complexe et différent d’une contamination réalisée en laboratoire. Dans ces milieux de travail, les gants ont subi non seulement l’action des fluides de coupe, mais aussi une usure mécanique associée aux spécificités des activités de travail (parfois inhomogène d’un travailleur à l’autre). Les essais de résistance à la perforation des gants ont montré que le niveau de protection des gants usagés était plus faible que celui des gants neufs. Des changements de morphologie des matériaux de gants ont également été observés, notamment des trous, des traces d’érosion et des déchirures plus ou moins profondes. Ces signes d’usure peuvent être attribués à la dégradation chimique du matériau et/ou à l’usure mécanique durant l’activité de travail. Les résultats obtenus quant à la satisfaction des usagers et leur acceptation des gants testés démontrent qu’il n’existe pas de modèles universels, valables pour toutes les tâches professionnelles et appropriés à tous les types d’environnement de travail. Le port de certains gants peut être largement accepté ou refusé, ou encore faire l’objet d’avis extrêmement partagés parmi les travailleurs. De manière générale, les données issues des tests de coupure ont présenté des variabilités importantes rendant difficile la détection d’effets, que ce soit pour les gants contaminés en laboratoire, nettoyés ou usés en milieu de travail. Pour utiliser cette propriété dans des études ultérieures, une mise au point de la méthode de coupure et un meilleur contrôle des différentes sources de variabilité devraient être considérés. Cette étude a permis de formuler des recommandations sur les meilleurs polymères d’enduction pour les gants utilisés dans le secteur de l’usinage du métal et de déterminer quels gants peuvent potentiellement remplacer ceux actuellement utilisés dans les entreprises partenaires de l’étude. Ces travaux ont également favorisé une meilleure compréhension de l’action des fluides de coupe sur le comportement des gants dans différentes conditions d’utilisation.