Résumé La présente étude constitue un prolongement des recherches antérieures ayant pour objectif de réduire les risques psychosociaux associés aux troubles musculosquelettiques et de santé psychologique chez les préposés des centres d’urgence 9-1-1. Elle se fonde plus précisément sur la précédente recherche (Toulouse et coll., 2011) dont les résultats suggéraient la nécessité de mieux soutenir les préposés aux prises avec des situations d’appels difficiles. En effet, les résultats montraient que les situations, qui génèrent une charge de travail ou une charge cognitive plus élevée sont corrélées à l’augmentation de l’intensité des douleurs au cou et aux épaules, alors que les douleurs au bas du dos s’accroissent avec l’accentuation des émotions négatives. L’élévation de la charge de travail, de la charge cognitive ou émotionnelle est occasionnée par les difficultés de traitement de certains appels. Celles-ci proviennent des problèmes de communication qui complexifient l’application des procédures déterminant l’envoi des intervenants sur les lieux de l’évènement. Ces problèmes de communication sont inhérents aux exigences du travail des préposés aux appels d’urgence. Ils requièrent la mise en place de moyens de soutien pour aider les préposés à développer et à maintenir des compétences leur permettant de réaliser un travail efficace tout en préservant leur santé. Dans cette perspective, il devenait essentiel de connaître l’état des pratiques existantes, afin de proposer une démarche visant à les améliorer. Pour ce faire, des entrevues ont été réalisées dans dix centres d’appels d’urgence avec les gestionnaires, les formateurs et des préposés. Ces entrevues ont porté sur le soutien existant et les améliorations souhaitées concernant différentes situations difficiles telles que : appels de citoyens arrogants, en crise, aux prises avec des problèmes de santé mentale ou avec des tendances suicidaires, les appels pour lesquels le degré d’urgence est incertain, le fait de servir d’intermédiaire entre le citoyen et la police dans un évènement criminel, les situations d’urgence dramatique, la répartition d’urgence majeure. Les résultats de l’étude sont résumés sous la forme de fiches synthèses présentées à l’annexe B du rapport. Pour chaque situation d’appel difficile, la fiche synthèse décrit la nature du problème, les consignes et les stratégies de communication; les consignes et les stratégies de traitement des appels; les principaux constats et les améliorations souhaitées. Les principaux problèmes rencontrés par les préposés sont les suivants : • Les difficultés de prendre le contrôle de la communication et à obtenir l’information de la part du citoyen ; • La complexité d’élaborer un questionnement compte tenu de l’état du citoyen qui est plus ou moins facile à déterminer et de la variabilité de ses réactions possibles ; • Le risque de ne pas détecter une situation d’urgence ou de faire déplacer les policiers inutilement ; • Le risque de conflit avec un citoyen insatisfait ; • Les difficultés d’alimenter la conversation durant une longue période avec un citoyen qui menace de se suicider ; • La forte mobilisation de l’attention et l’incertitude du préposé qui se retrouve à servir d’intermédiaire entre un citoyen et la police lors déroulement d’un acte criminel; • Le contrôle des émotions en réaction au contenu dramatique d’une situation d’urgence ou encore face à un citoyen arrogant. Pour gérer ces difficultés, les préposés acquièrent des compétences en s’appuyant sur les procédures existantes et les pratiques mises en œuvre au sein des collectifs de travail. En effet, la formation initiale portant sur la communication dans les situations d’appels difficiles est peu développée et se limite le plus souvent à l’énonciation de quelques consignes. Toutefois, quelques efforts sont déployés dans les centres d’urgence 9-1-1 (CU 9-1-1) pour apporter un soutien au personnel lors de situations d’appels difficiles en offrant une formation continue. Ces formations sont considérées comme étant intéressantes par les préposés, particulièrement lorsqu’elles fournissent de l’information sur les méthodes d’intervention, notamment celles des policiers. Cependant, elles atteignent rapidement leur limite lorsqu’elles portent sur des problématiques trop générales, qui ne correspondent pas aux besoins liés au contenu et aux exigences spécifiques de l’activité de travail des préposés. Par ailleurs, le chef d’équipe apparait comme un acteur essentiel pour faciliter le soutien au sein du collectif de travail. Cependant, cette tâche de soutien n’est pas toujours définie clairement et les chefs d’équipe ne sont pas formés dans ce domaine. Pour améliorer le soutien aux situations d’appels difficiles, il est proposé une démarche de coopération et de coconstruction des savoir-faire de métier. Cette démarche vise la mise sur pied d’un réseau coopératif de formation entre les CU 9-1-1. Elle comporte six étapes dont la première consiste à créer un comité coordonnateur du réseau. Les CU 9-1-1 intéressés participeraient à l’élaboration et au partage de contenus de formation portant sur des situations d’appels difficiles, incluant la tâche de soutien des chefs d’équipe. Chaque CU 9-1-1 constituerait un groupe de travail chargé de concevoir un contenu de formation sur une situation d’appel difficile. Le groupe de travail serait constitué du coordonnateur du réseau et de deux ou trois préposés expérimentés. Au besoin, le groupe pourrait s’adjoindre un spécialiste du domaine concerné. Le contenu de formation serait ensuite présenté et discuté par le personnel du centre, puis dans les autres centres participants afin que la formation soit adaptée au contexte de chacun d’eux. En plus de contribuer au développement d’une formation dont le contenu est conforme aux tâches des préposés, cette démarche, outre le fait de développer un contenu de formation conforme au contenu du travail des préposés, conduirait à une meilleure reconnaissance des compétences professionnelles propres à ce métier et des individus qui l’incarnent. Cette reconnaissance au travail constitue un facteur de protection et de prévention de la santé comme le montrent les études dans ce domaine (Dejours, 2000, 2009 ; Vézina et coll., 2011).