Résumé Cette recherche s'inscrit dans la foulée des travaux publiés au Québec depuis les années 1990 qui ont contribué à l'émergence d'un nouveau champ de recherche sur le travail rémunéré chez les étudiants. Ces travaux s'intéressent plus particulièrement à l'incidence du travail rémunéré sur les études. Cependant, rares sont ceux qui ont directement abordé les atteintes potentielles à la santé en lien avec le travail rémunéré des étudiants, notamment les accidents de travail, les troubles musculo-squelettiques (TMS), la détresse psychologique et la fatigue.Bien que les étudiants travailleurs soient moins à risque de lésions professionnelles que les jeunes décrocheurs, l'accroissement du cumul études-travail au cours des 20 dernières années nous a amenés à nous préoccuper de cette réalité. En effet, en comparaison avec leurs homologues de neuf pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les jeunes Canadiens se classent premiers pour ce qui est du nombre moyen d'heures hebdomadaires consacrées au travail rémunéré et aux activités non rémunérées pendant la semaine d'école (Marshall, 2007). Afin de mieux cerner les enjeux de santé et de sécurité du travail (SST) liés à ce phénomène en pleine croissance, le présent projet vise à déterminer les effets du cumul d'activités et du cumul de contraintes de travail sur la SST d'étudiants qui travaillent pendant leurs études, en tenant compte du fait qu'ils sont aussi un groupe à risque de somnolence excessive.Un total de 94 jeunes âgés de 19 à 21 ans qui cumulent études et emploi(s) ont été recrutés à partir d'une enquête longitudinale en cours portant sur les cheminements scolaires, les habitudes de vie et la SST. Une première entrevue semi-dirigée, réalisée au début de la session scolaire, a permis d'établir le profil des activités de ces jeunes, les caractéristiques de leur travail rémunéré et les contraintes de travail auxquelles ils sont exposés. Ceux-ci ont ensuite complété un journal de bord et ont porté un actigraphe pendant 14 jours consécutifs de façon à quantifier le cumul d'activités et documenter les habitudes de sommeil. Des questionnaires validés ont également été complétés afin d'évaluer la présence et la sévérité de divers symptômes de SST (TMS, détresse psychologique, fatigue, problèmes de sommeil, etc.). À la fin de la session scolaire, une deuxième entrevue semi-dirigée a permis de documenter les modifications ayant pu survenir dans le profil des activités et dans les contraintes de travail au cours de la session scolaire, consigner les stratégies utilisées par les jeunes pour s'adapter auxdites contraintes et clarifier la relation entre les caractéristiques de travail et les symptômes de SST.Sans surprise, la majorité des emplois occupés par les étudiants se retrouve dans les secteurs d'activités traditionnellement investis par les jeunes travailleurs comme le commerce de détail, l'hébergement et la restauration. Cependant, notre étude montre que dès l'âge de 19 ans, certains participants commencent à occuper des emplois de niveau technique en lien avec leur domaine d'étude, emplois qui nécessitent habituellement davantage de qualifications; cela s'avère plus souvent le cas des filles occupant des emplois dans les soins de santé ou en éducation. Notre étude montre également que le profil des activités caractérisant le cumul études-travail n'est pas stable dans le temps, mais fluctue de manière notable, particulièrement en ce qui a trait à l'emploi. De façon générale, les étudiants qui occupent un ou des emplois ne tentent pas d'alléger leurs exigences scolaires en diminuant, par exemple, leur nombre hebdomadaire d'heures de cours. Ainsi, les heures dédiées au travail rémunéré viennent simplement s'ajouter aux heures de cours, de travaux scolaires et d'études. À cet effet, la situation semble plus préoccupante pour les étudiants du collégial et pour ceux complétant un diplôme d'études professionnelles (DEP) ou qui sont inscrits à la formation générale des adultes (FGA).La présente étude révèle également que les étudiants qui occupent un emploi en cours d'études font face à toute une gamme de risques au regard de leur santé et que les caractéristiques de l'emploi occupé, les horaires de travail et les parcours d'emploi ont un impact sur différents indicateurs de santé. Plus précisément, deux filles sur cinq et près d'un garçon sur cinq rapportent un niveau de fatigue générale réputé nécessiter une consultation médicale. De manière plus spécifique, les analyses ont identifié le cumul de contraintes organisationnelles de travail, en plus de la demande psychologique, du soutien social au travail, et le fait d'avoir occupé un plus grand nombre d'emplois depuis l'âge de 15 ans comme des facteurs associés à la sévérité de la fatigue chronique reliée au travail. Bien que la majorité de ces étudiants travailleurs ne considère pas leur charge de travail comme trop élevée, un participant sur cinq perçoit tout de même son travail rémunéré comme étant difficile, fatigant, exigeant et stressant. Nos résultats montrent aussi qu'environ la moitié des étudiants travailleurs ont des problèmes de sommeil.Dans une enquête réalisée auprès de cette même population d'étudiants travailleurs lorsqu'ils étaient âgés de 17-18 ans (Ledoux et coll., 2008), nous avions constaté que plus de la moitié de ceux ayant déclaré avoir ressenti une douleur au cours de l'année précédant l'enquête l'avaient également ressentie au cours des sept derniers jours. Une fois de plus, il appert que les étudiants qui détiennent un travail rémunéré pendant les études s'avèrent une population aux prises avec une certaine persistance ou chronicité dans les douleurs musculo-squelettiques perçues puisque la presque totalité (91,3 %) de ceux ayant ressenti une douleur à au moins un endroit du corps au cours des 12 derniers mois précédant la présente étude l'ont aussi ressentie au cours de la semaine la précédant. Encore une fois, les filles se démarquent des garçons quant au nombre moyen de sites de douleurs rapporté. Nos résultats suggèrent également un lien entre le nombre de contraintes physiques auquel les étudiants travailleurs sont exposés dans le cadre de leur(s) emploi(s) et la présence de douleurs causées par le travail rémunéré. De plus, les jeunes qui ressentent de la douleur en lien avec leur emploi y subissent généralement une plus forte demande psychologique.Enfin, notre étude montre que les jeunes rapportent souvent de la gêne, de l'inconfort et des blessures à la suite d'un événement accidentel. Dans bien des cas, ces effets à court terme ne se traduisent pas en termes d'absentéisme au travail puisque le travail à temps partiel (TTP) est de nature telle que la période séparant deux journées de travail est souvent suffisante pour se remettre de ces conséquences. Ainsi, on peut ici concevoir la limite de l'indicateur jugeant de la gravité d'une lésion professionnelle à partir de la durée d'absence lorsqu'il s'agit d'un TTP. De plus, nos résultats suggèrent que la survenue d'un premier accident de travail au tout début du parcours professionnel, souvent à l'adolescence, augmente le risque d'en subir un autre par la suite. Finalement, ce rapport se termine par la présentation de quelques pistes d'intervention et de recherche.