Résumé Un trait caractéristique de la grande majorité des activités de manutention est d'être changeant, les tâches de manutention simples (i.e. circonscrites dans l'espace, les lieux et le temps) ayant, dans bien des cas, été automatisées dans les entreprises. Les tâches de manutention que l'on confie aux travailleurs sont plus complexes et demandent de manipuler des charges variées, dans des contextes de travail diversifiés et changeants qui demandent des ajustements constants. Cet aspect « mouvant » est parfois difficile à saisir pour un intervenant qui n'est pas spécialiste de la manutention. C'est le cas d'une grande majorité d'intervenants en santé et en sécurité du travail (SST) qui ont des profils de généralistes et sont donc appelés à traiter une vaste gamme d'activités professionnelles et de problématiques de santé au travail. L'utilisation d'outils de diagnostic standardisés se prête mal à l'analyse de tâches aussi variées et fluctuantes.Dans le cadre du développement d'un nouveau programme de formation à la manutention, une grille d'analyse des contextes en manutention (GACM) a été développée afin d'aider les intervenants à recueillir de l'information pertinente et ainsi mieux composer avec cet aspect « mouvant » de la manutention. Cet outil n'a pas la prétention d'en arriver à établir un portrait complet d'une ou de plusieurs tâches de manutention comme le ferait un diagnostic ergonomique, mais plutôt de faire ressortir quelques traits dominants et représentatifs de ces tâches afin qu'un intervenant puisse orienter un plan d'action spécifique, particulièrement pour établir les grandes lignes d'un contenu de formation.En parallèle à une demande d'accompagnement d'une grande municipalité québécoise qui disait éprouver des problèmes de SST – en majorité d'origine musculo-squelettique – en lien avec les nombreuses tâches de manutention réalisées par les journaliers, la GACM a été testée. Un diagnostic ergonomique classique a d'abord été réalisé impliquant une analyse des accidents (n=478), des entrevues (n=13) et des observations de l'activité de travail (n=16 situations de manutention). La GACM a ensuite été utilisée par cinq chefs de division de la municipalité et leurs commentaires ont été recueillis. Les résultats obtenus ont été comparés à ceux plus complets du diagnostic ergonomique. En complément, une classification visant à décrire quatre types de systèmes manutentionnaire-charge a aussi été testée afin de voir la pertinence d'intégrer cet aspect – jusque là ignoré – à la GACM.Le diagnostic ergonomique a permis d'identifier 21 situations problématiques, dont la plupart ont fait l'objet d'une démarche de recherche de solutions en collaboration avec les responsables de la municipalité. Pour ce qui est de la GACM, l'étude a permis de bien identifier ses limites d'application et les éléments sur lesquels nous devrons nous pencher pour en faciliter l'utilisation adéquate. Bien que son utilisation nécessite un certain niveau d'expertise, quelques ajustements somme toute mineurs sont requis pour maximiser son potentiel à être utilisée par une vaste gamme d'utilisateurs. La classification des systèmes manutentionnaire-charge s'est avérée opérationnelle et suffisamment pertinente pour l'inclure dans une nouvelle version de la GACM. Un constat de cette étude est à l'effet que ce n'est pas tant le recueil des données qui pose des difficultés que l'interprétation et la mise en forme de ces données pour orienter l'action dans les milieux de travail. En ce sens, nous suggérons le développement d'un modèle intégrateur, afin de faciliter la mise en commun et l'interprétation des informations recueillies. Les principales qualités souhaitées d'un tel modèle sont énoncées en discussion et une tentative exploratoire de modélisation est proposée.