IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

État des connaissances sur la relation entre les concentrations d’amiante dans le sol et dans l’air

Résumé

Les activités reliées à des travaux d’aménagement, de sécurisation ou de réhabilitation de sites contaminés par de l’amiante peuvent entraîner la mise en suspension de fibres dans l’air. Les concentrations de fibres dans l’air peuvent dépendre de plusieurs paramètres dont la connaissance peut influer sur le choix de mesures de prévention et de protection des travailleurs.

La présente étude visait donc à dresser l’état des connaissances sur la relation entre les concentrations de fibres d’amiante dans le sol et celles dans l’air. Pour ce faire, une revue de la littérature a été réalisée à partir de différents mots-clés incluant : « asbestos » associé à « soil » et « air ». Les études en situation réelle ou simulée ainsi que les études expérimentales ont été considérées. Au total, 241 publications ont été recensées, mais seulement cinq ont été retenues dont deux de type terrain et trois de type expérimental.

En résumé, le taux d’humidité du sol, sa concentration en amiante et le genre d’activités sur le site (qui est directement lié au brassage du sol), apparaissent comme étant les caractéristiques les plus influentes de la libération des fibres dans l’air. Des facteurs de moindre importance, tels que la nature du sol, le type d’amiante et la distance de la source d’émission peuvent également avoir une incidence. Enfin, les conditions météorologiques (pluie, vent et ensoleillement), la présence de couvert végétal et la friabilité des matériaux pourraient avoir un effet de moindre impact sur l’émission de fibres d’amiante aéroportées.

De façon plus détaillée, les études de terrain ont montré que le niveau de dérangement du sol est un paramètre important pouvant influencer la mise en suspension dans l’air de fibres d’amiante à partir d’un sol contaminé. Ainsi, lors de travaux de réparation d’une route recouverte de gravier contaminé par de l’amiante (moins de 0,5 % de trémolite-actinolite), les opérateurs de niveleuse et les inspecteurs étaient les plus exposés, avec une moyenne respective de 0,276 f/cm3 et 0,260 f/cm3 tandis que l’exposition des signaleurs et des opérateurs de rouleau compacteur était faible, soit inférieure à 0,1 f/cm3. De plus, lors de la réalisation de travaux de différentes natures (râtelage, pelletage et excavation d’une tranchée à l’aide d’une pelle rétrocaveuse) sur des sols dont la distribution de l’amiante était non homogène (de non détecté à 3 % d’amiante), les concentrations de fibres provenant d’échantillons prélevés en postes personnels variaient de non détecté à 0,25 f/cm3. Ces mêmes échantillons de sols, agités en chambre expérimentale dans des conditions de pire scénario, ont donné des concentrations de fibres aéroportées pouvant dépasser 10 f/cm3.

La distance de la source d’émission est un facteur pouvant également influencer la concentration de fibres d’amiante dans l’air. Ainsi, pour un sol contenant 10 % d’amiante, les concentrations près de la source se situaient entre 0,01 et 0,1 f/cm3 et diminuaient avec la distance pour s’abaisser à moins de 0,001 f/cm3 à plus de 100 mètres de la source, soit un facteur d’abaissement variant de 10 à 100.

Les études expérimentales, réalisées en chambre à partir d’échantillons pour lesquels les différents paramètres (concentration d’amiante, nature du sol – sable, argile, intermédiaire – et type d’amiante – amosite, chrysotile, crocidolite) étaient contrôlés, ont montré des relations entre les propriétés du sol et la génération de fibres dans l’air.

Ainsi, les sols dont la teneur en amiante était plus élevée (1 %) ont généré une concentration plus importante de fibres dans l’air, soit 100 fois plus que pour des sols contenant 0,001 % (10,8 et 0,11 f/cm3 respectivement). Les sols sablonneux ont généré les plus hautes concentrations de fibres d’amiante aéroportées alors que l'argile a libéré les plus basses concentrations, avec respectivement 0,07 - 15,9 f/cm3 et 0,13 - 6,6 f/cm3. Les sols contenant du chrysotile ont libéré les plus basses concentrations de fibres (de 0,06 à 6,1 f/cm3), suivis des sols contenant de l’amosite (0,1 à 12,6 f/cm3) et finalement de ceux renfermant de la crocidolite (0,17 à 13,8 f/cm3). Les concentrations de fibres d’amiante aéroportées dépendaient plus de la teneur de ce minerai dans le sol que du type d’amiante ou de la nature du sol. Il faut faire preuve d’une grande prudence dans l’interprétation de ces résultats, provenant d’études expérimentales réalisées souvent dans des conditions de pires scénarios, et veiller à ne pas généraliser ou à extrapoler en appliquant les conclusions à des situations réelles.

De tous les paramètres influant sur la diminution de la concentration de fibres aéroportées, c’est l’arrosage du sol qui a le plus grand impact. De façon générale, on peut considérer que pour tous les types de sol et d’amiante évalués, l’introduction de seulement 5 à 10 % d’humidité provoque le plus grand effet sur la réduction de fibres dans l’air et que la concentration de fibres peut passer de 5 à 0,01 f/cm3 en humidifiant le sol à 50 %, soit une réduction pouvant aller jusqu’à 500 fois. Par ailleurs, dans l’environnement extérieur, un sol couvert de végétation contiendrait déjà plus de 10 % d’humidité alors qu’un sol sans couvert végétal aurait tendance à sécher plus rapidement, en particulier dans des conditions de chaleur et d’ensoleillement, et serait plus susceptible de libérer des fibres dans l’air.

Toutefois, les informations scientifiques sont encore trop limitées pour déterminer avec une certaine assurance et avec précision la contribution du sol contaminé à l’amiante aux concentrations de fibres dans l’air et, ultimement, à l’exposition des travailleurs. En effet, le peu d’études, leurs limites méthodologiques, la non-comparabilité des études de terrain et des études expérimentales, et la variabilité des résultats rendent difficile toute initiative permettant de conclure de façon ferme. Considérant que seul le taux d’humidité du sol est un paramètre sur lequel une action immédiate peut être portée pour minimiser la libération des fibres d’amiante dans l’air, il est fortement suggéré d’arroser les sols avant toute intervention et d’appliquer les principes généraux d’hygiène du travail pour assurer la protection des travailleurs.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Mis en ligne le : 28 octobre 2015
Format : Texte